Bénarès, étouffé sous la chaleur de fin mai, est déjà en plein éclat dès les premières lueurs du jour. Les ghats, vastes escaliers stoniques en amphithéâtre le long de la rive gauche du Gange, sont témoins de l’affluence matinale des hommes, femmes et enfants. Ils se dirigent vers la rivière sacrée pour une purification, mais plus importante encore est leur quête de fraîcheur.
Le premier jour de juin représente un moment crucial, jour où la ville sainte votera lors du dernier tour des élections législatives indiennes, sous la surveillance étroite des urnes. Le représentant local est celui qui a guidé le pays pendant une décennie et brigue un troisième mandat : Narendra Modi. En 2014, il choisit de donner le coup d’envoi de sa carrière nationale à Bénarès, une circonscription de 1,8 million d’électeurs, plutôt qu’à Gujarat, son bastion politique où il règne depuis treize ans.
Le choix de Bénarès (ou Varanasi), située à Uttar Pradesh et une des sept villes saintes du hindouisme, n’est pas anodin. Elle présente un double intérêt politique pour le nationaliste hindou. D’abord, il espère maximiser ses chances pour remporter cet État du Nord, connu pour être le plus densément peuplé en inde, et qui joue un rôle pivot dans la course au pouvoir en envoyant 80 députés sur 543 à la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement. La circonscription, depuis 1991, a seulement échappé au parti à la fleur de lotus en 2004. Ensuite, cela serait une occasion de renforcer sa réputation comme un défenseur féroce de l’hindouisme.
Le BJP, plus mobilisé que jamais
Hautement considérée par les hindous, Bénarès est bien plus qu’une simple ville. Cette cité ancienne est perçue comme le cœur spirituel de l’Inde, consacrée au dieu Shiva, son présumé fondateur. Bénarès est le lieu où les Hindous aisés se font incinérer sur les ghats afin que leur âme puisse atteindre le moksha : la libération ultime du cycle de renaissance.
Dix ans après son arrivée au pouvoir, Narendra Modi a déployé des efforts sans précédent pour son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP). Il s’est fixé pour objectif de surpasser ou au moins de répéter sa performance de 2019, lorsqu’il a remporté 63,6% des voix, pour maintenir une légitimité personnelle indéniable en cas de recul de son parti au niveau national. La commission électorale lui a facilité la tâche en éliminant la concurrence. Une quarantaine de candidats ont été écartés, parmi lesquels Shyam Rangeela, un comédien qui avait pris l’habitude de l’imiter. Seulement six candidats se confrontent à Narendra Modi.
Les karyakartas, les militants du BJP, parcourent inlassablement la ville pour faire la promotion du changement urbain mis en place par Modi et pour inviter les citoyens à renouveler leur support en lui accordant leur vote. Les dirigeants du parti, y compris Amit Shah, le ministre de l’Intérieur et proche allié de Modi, ont pris leur relais sur le terrain.
Le reste de cet article est accessible seulement à nos abonnés (74.86% restant).
Laisser un commentaire