Général Brice Oligui Nguema, le président de la transition au Gabon, a rencontré Emmanuel Macron, le chef de l’Etat français, le vendredi 31 mai. Cette réception à l’Elysée est venue neuf mois après qu’il a renversé Ali Bongo Ondimba. La rencontre est une étape clé dans une tournée de cinq jours et marque une avancée dans la normalisation du pouvoir de Nguema, âgé de 49 ans et considéré comme un putschiste par la France, mais maintenant reconnu comme un partenaire fiable. Cette situation se contraste fortement avec les relations houleuses de la France avec les dirigeants des juntas du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Durant sa visite en France, Nguema a justifié son coup d’Etat comme étant pour le « libération nationale pour le bien du peuple gabonais », déclarant cela à Paris le mercredi précédent. Le coup d’Etat a eu lieu quelques heures après l’annonce de la réélection controversée d’Ali Bongo Ondimba, mettant ainsi fin à un règne familial de 55 ans des Bongo, père et fils. Nguema a déclaré que « la rupture dans notre pays est à percevoir comme l’emblème de l’aspiration des Gabonais à une gouvernance saine ». Un ministre gabonais a dit au Monde que « bien que nous puissions être des putschistes en apparence, en essence nous ne le sommes pas ».
Les autorités gabonaises nouvelles ont transmis des signaux ‘positifs’, selon les diplomates français, en particulier avec leur promesse d’organiser une élection présidentielle d’ici août 2025, mettant fin à la période de transition. On s’attend à ce que Brice Oligui Nguema soit éligible pour participer à ces élections. Dans ce contexte où l’influence française au Sahel s’amenuise, à la grande angoisse de Paris, des relations satisfaisantes se sont solidifiées avec Libreville depuis le coup d’État. C’est une situation contrastante avec les relations antérieures sous Ali Bongo Ondimba, dont le père était un des acteurs majeurs de la ‘Françafrique’.
La junte gabonaise a jusqu’à présent évité toute rhétorique aggressive et ne perçoit pas la présence de la base française sur son territoire comme une marque du néocolonialisme. Charles M’Ba, le ministre gabonais des comptes publics, compare la situation à celle de la base militaire de l’OTAN en Allemagne et soulève la question : pourquoi la souveraineté d’un pays serait-elle compromise par une base militaire française ? Néanmoins, à la demande de Paris, des pourparlers sont en cours sur l’avenir de cette base, une situation commune aux autres pays africains accueillant des installations militaires françaises.
Les deux nations partagent des perspectives similaires sur diverses questions. Suite à l’organisation du One Forest Summit à Libreville en mars 2023, qui a mis l’accent sur la protection des forêts tropicales et a vu la participation de Emmanuel Macron, Paris envisage de continuer sa coopération avec le successeur d’Ali Bongo sur les problématiques environnementales. Les deux leaders ont conclu une « déclaration d’intention pour élargir ce partenariat en formant une coalition de partenaires publics et privés prêts à fournir un soutien financier à la mise en œuvre des engagements écologiques du Gabon, et pour investir dans l’économie biologique gabonaise », a déclaré la présidence française dans une déclaration.
Effectivement, les liens économiques étaient l’un des principaux points de discussion lors de la visite. Général Oligui Nguema, en compagnie d’une douzaine de ministres et une délégation importante de chefs d’entreprises, est devenu le porte-parole officiel de son pays. « Nous sommes ici pour vous convier au Gabon, le pays des opportunités », a-t-il proclamé à six cent entrepreneurs français et gabonais lors du premier forum économique Gabon-France tenu à Paris, supervisé par le Medef et le ministère gabonais de l’économie.
Entre patriotisme et mondialisation
Cela a probablement apaisé les inquiétudes des dirigeants français après la décision du nouveau gouvernement de favoriser les intérêts du Gabon au nom du patriotisme économique. Le gouvernement a en effet racheté Assala, l’une des entreprises phares du secteur pétrolier, au fonds d’investissement américain Carlyle, anéantissant les espoirs de l’entreprise française Maurel et Prom qui était en compétition.
Libreville a confirmé que les firmes françaises, contrôlant 25% du marché gabonais, restent des alliés majeurs pour la revitalisation du pays. Mays Mouissi, le ministre de l’économie gabonaise, et Franck Riester, le ministre délégué responsable du commerce extérieur français, ont conclu des accords de principe pour la rénovation du Transgabonais, le réseau ferroviaire, ainsi que la réhabilitation du site d’enfouissement surchargé de Mindoubé.
« Les sociétés françaises sont prêtes à instaurer une nouvelle relation économique entre le Gabon et la France et à appuyer les efforts de votre gouvernement », a déclaré Philippe Labonne, le président du Comité Afrique du MEDEF International, lors de son discours. Les nouvelles autorités ont manifesté leur intention de trouver un équilibre entre patriotisme et coopération avec des partenaires étrangers. « Nous voulons contrôler la majorité de nos ressources. Tout ce qui touche au Gabon doit être décidé par les Gabonais », souligne Charles M’Ba.
« La souveraineté ne freine en rien l’amitié. Nous envisageons de développer notre économie avec des entrepreneurs nationaux sans exclure les investisseurs étrangers qui sont invités à investir largement, tout en respectant nos règles », argumente le technocrate ayant passé sept ans en exil en France. Par ailleurs, le ministre a rencontré plusieurs figures françaises, y compris Dominique Strauss-Kahn, qui s’est proposé de faciliter les rapports entre le Gabon et ses bailleurs de fonds.
Avant son départ de la France, Brice Oligui Nguema rendra hommage au capitaine Charles Mésany N’Tchoréré, un héros gabonais exécuté par les nazis pendant le deuxième conflit mondial et le saint patron de l’armée Gabonaise, lors des cérémonies du 80ème anniversaire du Débarquement dimanche à Airaines (Somme).
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