Lors d’un samedi pluvieux du 19 mai au stade de Saint-Martin-du-Mont (Ain), les haut-parleurs diffusent « We are the champions » de Queen alors que les joueurs s’avancent sur le terrain, imprégné d’odeurs de barbecue. Ces sportifs font partie de l’équipe française de football pour amputés (EFFA) et ils ont la particularité de jouer sans prothèses, s’appuyant sur des béquilles à l’exception du gardien qui, bien qu’ayant deux jambes, a perdu un de ses bras. « Ils sont vraiment doués, » s’émerveille Nolan, 8 ans, impressionné par leurs talonnades et leurs tirs en pleine course, certains peuvent même atteindre une vitesse maximale de 17 kilomètres à l’heure.
Ces athlètes sont en plein préparation pour le championnat d’Europe pour amputés à Evian-les-Bains (Haute-Savoie), qui se déroulera du 1er au 8 juin. L’arbitre ne peut s’empêcher d’admirer le jeu, malgré la forme physique de l’équipe qui lui semble préoccupante à seulement deux semaines de leur premier match contre l’Ukraine. Leur coach, Kamel Saouchi, 48 ans, se montre frustré, leur reprochant d’être épuisés après seulement trente-cinq minutes de jeu. Mais il est néanmoins compréhensif, relevant le fait qu’ils n’ont pas eu l’occasion de se retrouver durant sept mois. Ce n’est pas le cas pour l’équipe ukrainienne qui s’entraîne trois fois par semaine, composée principalement de soldats mutilés, utilisant le football comme moyen de reconstruction tant physique que mentale. La fédération de football ukrainienne envisage même de créer une compétition nationale.
Dans l’hexagone, le football destiné aux amputés n’a pas été officiellement reconnu comme une discipline paralympique et ne s’associe ni à la Fédération de football française ni à celle du sport adapté. Un groupe d’environ cinquante joueurs, tous volontaires, organise des sessions d’entraînement à leur convenance. Ce week-end, plusieurs membres de l’équipe ont été absents pour des engagements professionnels. La perspective de remporter le tournoi semble irréalisable face à des adversaires comme la Turquie, actuelle championne du monde et d’Europe.
« Notre objectif est simplement de représenter notre pays », affirme l’attaquant Tristan Diaz, un homme d’affaires de 32 ans qui s’est joint à l’équipe en 2016. L’organisation, fondée en 2007 par le joueur amputé Nabil Labhilil et située à Annecy, continue toujours d’exister grâce au soutien financier de sponsors locaux et à des subventions. Son budget annuel de 50 000 euros peine à couvrir les frais de voyage associés aux compétitions internationales. En 2022, l’équipe a failli manquer la Coupe du Monde en Turquie par manque de fonds, jusqu’à ce qu’une subvention soit obtenue grâce à l’intervention du conseiller départemental de Haute-Savoie, François Daviet. Pour les championnats d’Europe, l’équipe a réussi à organiser quatre sessions d’entraînement dans l’année.