Catégories: Actualité
|
1 juin 2024 19 h 12 min

« Guerre Ukraine: Zelensky accuse Moscou d’opportunisme »

Partager

Le direct du « Monde » a également été orchestré par Glenn Cloarec, Jean-Philippe Lefief, et Gabriel Coutagne. Pour une couverture approfondie du conflit ukrainien, lire tous nos articles, analyses ainsi que les reportages. Un accent particulier est mis sur la situation en Crimée, une région que Kiev considère comme une priorité. L’émoi est palpable en Ukraine suite au bombardement d’une des plus grandes maisons d’édition du pays, un symbole culturel. Malgré l’épuisement et les défaites, les Ukrainiens mobilisés sur le terrain sont résolus et n’ont pas l’intention de se rendre. La guerre est passée de la tranchée à l’électronique, avec la Russie contestant la prééminence américaine dans l’espace. En vente est l’Hôtel Ukraine à Kiev, contenant 363 chambres et au prix à partir de 23,5 millions d’euros. Leur résilience est illustrée par les lettres d’Olga et Sasha disant que même dans les villes les plus bombardées, les habitants s’efforcent de continuer à travailler, à créer des entreprises et à se développer personnellement. Volodymyr Zelensky continue en tant que président ukrainien pour une durée indéterminée. La recherche des disparus présente un défi de taille. Pour répondre à vos questions les plus courantes, comment Moscou et Kiev utilisent-ils des drones ? Depuis quelques mois, une guerre des drones sans précédent se déroule entre la Russie et l’Ukraine. Selon un rapport publié en mai 2023 par un think tank britannique spécialisé en défense, les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones par mois sur le terrain, soit plus de 300 par jour. Pour perspective, l’armée française ne compte que 3 000 drones dans ses arsenaux.

Les drones de nature civile peu coûteux et facilement accessibles sont largement utilisés par les Russes et les Ukrainiens. Ces petits UAV (véhicules aériens sans pilote) permettent de surveiller le champ de bataille et guider les troupes ou les frappes d’artillerie ; certains ont aussi été modifiés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Bien que moins courants, les drones-kamikazes munis d’explosifs jouent également un rôle crucial. Ces UAV sont lancés au-dessus de la ligne de front sans cible préétablie. Moscou emploie des drones russes Lancet-3, ainsi que des Shahed-136, fabriqués en Iran. En absence d’une véritable flotte de guerre, l’Ukraine défie son ennemi en utilisant des véhicules maritimes sans pilote, des petits kayaks télécommandés et remplis d’explosifs (450 kilos de TNT).
La preuve de l’importance des drones dans leurs opérations est que les Ukrainiens et les Russes ont mis en place des moyens d’approvisionner en continu leurs troupes, non seulement en achetant massivement des drones civils sur le marché, mais aussi en développant leurs propres capacités de production. Initialement hésitante dès le début de la guerre du Donbass, déclenchée il y a une décennie, l’industrie nationale ukrainienne a depuis lors augmenté sa puissance. Fin août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé qu’une version du drone russe Lancet avait été développée et serait bientôt lancée sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.

En raison des sanctions occidentales qui entravent son approvisionnement en éléments électroniques, la Russie se trouve dans une posture plus délicate. Néanmoins, d’après les services de renseignements des États-Unis, la Russie aurait entamé les premières étapes de construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga, dédiée à la fabrication de drones-kamikazes de conception iranienne, semblables au Shahed-136.

Qu’en est-il des réserves de missiles russes ?
La connaissance précise de l’état actuel des stocks de missiles de l’armée russe est un véritable défi, si ce n’est une mission impossible. Bien que les services de renseignement ukrainiens fournissent régulièrement des informations sur le sujet, leur fiabilité reste incertaine.

D’après Andri Ioussov, qui est le porte-parole de la Direction Générale du renseignement du Ministère de la défense (GUR) cité par Liga.net, l’armée russe disposait de 2300 missiles balistiques ou de croisière avant le conflit et il en restait plus de 900 au début de l’année. Selon lui, ce total serait complété par une dizaine de milliers de missiles antiaériens S-300 avec une portée d’environ 120 kilomètres, ainsi qu’un important stock de S-400, une version plus récente avec une portée triplée. En août, Vadym Skibitsky, l’adjoint du GUR, a avancé un chiffre de 585 missiles avec une portée excédant 500 kilomètres.

En termes de capacités de production, elles seraient passées à une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois, selon plusieurs experts. En octobre, selon le GUR, cette production était estimée à 115 exemplaires.

Des missiles à courte portée provenant d’Iran et de Corée du Nord auraient été acquis par la Russie, et ce pays continuerait d’en acquérir davantage. D’après l’agence Reuters, qui rapporte des informations de plusieurs sources iraniennes, environ 400 missiles iraniens Fateh-110 (d’une portée de 300 à 700 kilomètres) auraient été livrés à la Russie depuis janvier, date à laquelle un accord aurait été établi. Il n’est pas clair combien de missiles nord-coréens la Russie a acquis, mais 24 ont été tirés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 07 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Les experts pensent qu’il s’agit certainement de missiles KN-23 et KN-24 avec une portée moyenne de 400 kilomètres.

En ce qui concerne les avions de combat F-16, une demande de longue date du président ukrainien a été approuvée par les Etats-Unis en août 2023, qui ont consenti à transférer ces avions de combat à l’Ukraine. Plus de 300 F-16 sont potentiellement disponibles dans neuf pays européens, dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal. Cependant, tous ces pays ne sont pas en mesure de céder leurs avions immédiatement.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a mentionné le chiffre de 42 F-16 offerts par les alliés occidentaux à Kiev, mais cette information n’a pas été vérifiée. Le Danemark a promis 19 avions; les six premiers ne seront pas livrés avant fin 2023, huit autres en 2024, et cinq de plus en 2025, comme l’a indiqué la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Quant aux Pays-Bas, qui ont également promis de céder des F-16 à l’Ukraine, ils disposent de 42 avions. Toutefois, ils n’ont pas précisé combien d’entre eux seraient cédés.

Il est nécessaire de former les pilotes ukrainiens pour piloter les aéronefs de combat américains. Onze pays qui soutiennent Kiev se sont engagés à fournir une formation à ces pilotes. Selon l’OTAN, les forces ukrainiennes ne pourront utiliser pleinement ces avions pour des opérations de combat qu’à partir du début de 2024, bien que certains experts suggèrent que cela pourrait être possible dès l’été 2024.

En ce qui concerne le type d’aide militaire que les alliés de Kiev fournissent, cela semble être en déclin. Deux ans après le déclenchement d’un conflit majeur, le soutien occidental à Kiev perd de sa dynamique. Les nouvelles aides promises ont diminué entre août 2023 et janvier 2024 par rapport à la même période de l’année précédente, selon un rapport de l’Institut Kiel publié en février 2024. Cette tendance pourrait continuer, avec le Sénat américain qui lutte pour voter pour des aids et l’Union européenne (UE) ayant du mal à adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024, principalement en raison d’une opposition hongroise. Il convient de noter que ces deux paquets d’aide ne sont pas encore comptabilisés dans le dernier relevé de l’Institut Kiel, qui s’arrête en janvier 2024.

Les statistiques de l’institut allemand indiquent que le nombre de pays donateurs diminue et se concentre autour d’un groupe central, notamment les États-Unis, l’Allemagne et les pays du nord et de l’est de l’Europe. Ces pays s’engagent à fournir une importante aide financière et des armements avancés. En résumé, depuis février 2022, les pays qui soutiennent Kiev ont promis au minimum 276 milliards d’euros d’aide militaire, financière ou humanitaire.

De façon générale, les nations les plus aisées se sont avérées les plus altruistes. Les États-Unis caracolent en tête en tant que plus grands donateurs, ayant promis plus de 75 milliards d’euros d’aide, dont 46,3 milliards sont dédiés à l’assistance militaire. Les pays de l’Union européenne ont manifesté leur soutien à travers des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des contributions communes issues des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un montant total de 158,1 milliards d’euros.

Cependant, en calculant l’aide en fonction du Produit Intérieur Brut (PIB) des différents pays donateurs, on obtient un classement différent. Les États-Unis redescendent ainsi au vingtième rang (avec 0,32% de leur PIB), derrière plusieurs pays limitrophes de l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques alliées. À ce classement, l’Estonie se démarque en occupant la première position avec une aide représentant 3,55% de son PIB, suivie du Danemark (2,41%) et de la Norvège (1,72%). La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) complètent le top 5. Les trois pays baltes ayant des frontières avec la Russie ou son alliée la Biélorussie, figurent parmi les plus grands donateurs depuis le déclenchement du conflit.

En ce qui concerne le pourcentage de l’aide par rapport au PIB, la France occupe la vingt-septième place, s’étant engagée avec 0,07% de son PIB, un peu en retard par rapport à la Grèce (0,09%). L’aide française a connu une baisse constante depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France était à la vingt-quatrième place en avril 2023, et au treizième rang à l’été 2022.

Qu’est-ce que nous savons concernant les tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?

La tension entre l’Ukraine et la Pologne s’est exacerbée au cours des derniers mois en raison de la question du transit du grain ukrainien. Le printemps 2022 a vu l’établissement de « voies de solidarité » par la Commission européenne, permettant la vente sans barrières douanières de produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Selon la Fondation Farm, une organisation se concentrant sur les questions globales d’agriculture, environ 50% du grain ukrainien est transité ou finit son voyage dans l’Union Européenne (EU) depuis le début du conflit.

Les pays centraux d’Europe comme la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie, la Slovaquie et la Roumanie ont exprimé leurs préoccupations, clamant que ces grains à bas prix perturbent leur marché local et diminuent les revenus de leurs agriculteurs. En conséquence, ils ont unilatéralement suspendu leurs importations en avril 2023, une action que Bruxelles a approuvée tant qu’elle n’entravait pas le transit vers d’autres pays et qu’elle ne durait que quatre mois.

Cependant, Varsovie est restée résolue à ne pas rouvrir ses frontières aux grains ukrainiens à la fin de l’été, jugeant que le problème principal n’avait pas été résolu, malgré le fait que Bruxelles ait affirmé qu’il n’y avait plus de déséquilibre dans les marchés nationaux pour les grains.

Des agriculteurs en Pologne ont entravé la frontière avec l’Ukraine pour interdire l’accès des camions ukrainiens à leur territoire national. Ils demandent un « embargo total » sur les produits agricoles et alimentaires en provenance d’Ukraine, en réaction à l’augmentation de leurs coûts de production et à la saturation de leurs silos et entrepôts même avec les prix au plus bas. Le président de l’Ukraine a indiqué en début d’année 2024 que ce blocus démontre une « détérioration de la solidarité » envers son pays. Il a également sollicité des discussions avec la Pologne. Selon lui, les seuls bénéficiaires de ces conflits sont à Moscou, et il a décrié le surgissement de slogans clairement en faveur de Poutine.