Dans une démarche sans précédent en termes d’échelle et de dureté de langage, une dizaine de sociétés savantes et de réseaux européens d’organismes de recherche ont conjointement envoyé une lettre ouverte le mercredi 29 mai aux leaders politiques européens. Ils ont exprimé leur « grande inquiétude » quant au récent recul de l’Union européenne (UE) en matière de protection de l’environnement.
Regroupant des milliers de scientifiques, les organisations signataires ont condamné une succession de décisions « qui mettent en péril notre futur collectif ». « En qualité de scientifiques, nous nous opposons vigoureusement à ces orientations politiques qui accélèrent l’apparition de crises qui auraient pu être évitées » mentionnent-elles.
Particulièrement pointées du doigt sont la renonciation au règlement sur l’usage durable des pesticides, l’affaiblissement des normes environnementales de la Politique agricole commune (PAC), le rejet du projet de régulation sur les systèmes alimentaires durables (Cadre pour des systèmes alimentaires durables), le projet de diminution des normes de la directive sur les nitrates et les obstacles à l’application de la loi sur la restauration de la nature. Ces exemples illustrent la mentalité anti-environnementaliste qui, selon les signataires, semble être adoptée par trop de responsables européens.
La sécurité alimentaire « en danger »
Ceux-ci mentionnent également, en vrac, la réautorisation du glyphosate pour une décennie, l’interruption des discussions sur la conservation des forêts anciennes, les appels pour l’annulation de la réglementation sur la déforestation ou pour la diminution de la protection des grands carnivores…
Les auteurs estiment que la majorité des justifications fournies pour ces décisions sont basées sur de fausses informations et sont fortement influencées par les intérêts spécifiques de groupes financiers et d’entreprises exprimés par des moyens violents ou non démocratiques. De plus, ces décisions sont contradictoires avec leur objectif déclaré de promouvoir la durabilité, notent les scientifiques.
Ils appellent à une réaction de la part des institutions européennes, mettant en lumière les effets nocifs sur la préservation de la stabilité des écosystèmes et des services qu’ils fournissent (pollinisation, fertilité des sols, approvisionnement en eau, etc.). Selon eux, la sécurité alimentaire est en péril. Les chercheurs déclarent que les risques liés à ces reculs sont si grands qu’ils enfreignent le traité sur le fonctionnement de l’UE, en particulier ses clauses sur les principes de prévention et de précaution. En réponse à une question, la Commission européenne a déclaré qu’elle ne commente pas les lettres ouvertes.