Dans cette réflexion de Sarah Chiche, elle explore l’héritage persistant de Franz Kafka et sa popularité parmi la jeunesse contemporaine malgré les prédictions contraires de Michael Haneke. Haneke, cinéaste renommé, avait prédit en 2016 qu’il serait difficile de trouver un producteur pour un film basé sur « Le Château » de Kafka, convaincu que l’oeuvre n’intéresserait pas la jeune génération. Chiche, toutefois, réfute cette idée, soulignant l’intérêt croissant de la génération Z (12-25 ans) pour l’auteur pragois. Elle explique que Kafka, mort il y a un siècle, semble plus vivant que jamais. De nombreux adolescents utilisent les plateformes sociales comme Instagram et TikTok pour exprimer leur identification à Kafka et à ses personnages, souvent représentés comme étant piégés dans un monde hostile. Chiche cite des exemples d’expressions de cet engouement kafkaïen en ligne, tels qu’un dessin d’un insecte absorbé par son téléphone, un gâteau d’anniversaire à l’effigie de Kafka, ou une fille qui proclame qu’elle ne sortira pas avec un homme s’il n’est pas à la hauteur de Kafka. Pour Chiche, cette tendance montre comment les jeunes d’aujourd’hui utilisent les mots de Kafka pour mieux comprendre et affronter la complexité de leur quotidien.
Les décrets, l’inéquité, l’ignominie… Assurément, l’ensemble de leur psyché est mappé ici : l’amas intérieur qui se cache toujours plus profondément, les commandements intransigeants que l’on se donne (Le Journal), l’évanouissement de l’intimité, la surveillance constante (Le Château), l’injustices ressentie comme étant la victime (Le Procès), la victoire des médiocres (Joséphine, la cantatrice), le spectacle des vanités des réseaux sociaux (Un artiste de la faim), l’effroi de devoir chaque jour sortir de son lit (Le Terrier), la crainte d’être incompris et celle d’être aimé (Lettres à Felice, Lettres à Milena), le dédain pour les parents qui, bien que pitoyables marionnettes, continuent de faire entrave à nos aspirations (Lettre au père), les péchés pour lesquels nous nous sentons coupables et dont la source précise ne se dévoilera peut-être jamais, sinon à l’instant de notre trépas (La Colonie pénitentiaire), l’humiliation d’habiter un corps au point d’envisager que le mieux à faire serait d’être éradiqué comme une punaise de lit (La Métamorphose)…
Pour comprendre la jeunesse, plongez-vous dans l’œuvre de Kafka, dans sa totalité. Reprenons ces phrases tirées de son Journal, dans une lettre adressée à Felice Bauer : « En fin de compte, je suis de sang avec mes parents et mes sœurs, une connexion que je ne ressens pas dans la vie quotidienne, car je suis dérouté par mes propres objectifs, mais au fond, je les respecte plus que je ne le pense. Il se peut aussi que je les pourchasse avec ma colère, la vue du lit marital de mes parents, des draps utilisés, des peignoirs minutieusement déployés peut me piquer jusqu’à me rendre malade, peut chambouler mon intérieur ; comme si je n’étais pas complètement né, comme si je sortais toujours de cette vie oppressante, comme si j’avais constamment besoin de chercher une confirmation de mon existence dans cette chambre étouffante, comme si j’étais encore, pas totalement, mais en partie, lié à ces choses dégoûtantes. » Est-ce qu’une description aussi acérée des troubles de l’adolescence a déjà été décrite?
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