Après son audition le jeudi 23 mai, Alexandre Medvedowsky est retourné s’installer à côté de l’ancien président-directeur général de EDF de 2009 à 2012, Henri Proglio, qui lui a susurré un mot d’appréciation. « Excellent travail », a écouté Proglio depuis le banc sur lequel il était assis. Pour une heure entière, devant le tribunal correctionnel de Paris, Medvedowsky a expliqué en détail l’ensemble de ses réalisations pour EDF durant les années où Proglio dirigeait l’entreprise d’électricité publique. Le chef de la firme de renseignement commercial ESL & Network a fini par une éloge pour son ami en disant, « Si vous me demandez si c’était dans l’intérêt d’EDF que le mandat de Henri Proglio soit renouvelé, ma réponse serait oui. »
Cette situation éclaire sur l’une des préoccupations principales du tribunal correctionnel, présidé par le juge Benjamin Blanchet, aux prises depuis le début du procès de Proglio le 21 mai pour « favoritisme ». La question est de savoir si les consultants coûteux, souvent des connaissances, qui ont été engagés par Proglio travaillaient dans l’intérêt d’EDF ou dans celui du PDG soucieux de conserver sa position et de renforcer son autorité. Proglio, l’accusé principal, est soupçonné d’avoir attribué sans appel d’offres quelque quarante contrats à divers conseillers fantômes pendant son mandat, pour un montant total d’environ 21 millions d’euros, payés par EDF. Onze des bénéficiaires de ces contrats controversés ont été renvoyés pour « recel de favoritisme ». Les autres y ont échappé soit parce que leurs contrats étaient moins que le seuil légal (387 000 euros en 2010) ou parce qu’ils ont accepté de plaider coupable après reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Au cours d’une semaine, à l’exception notable de l’absence du banquier d’affaires Jean-Marie Messier, les consultants expulsés se sont présentés à la cour pour décrire l’étrange profession qu’ils exercent, sous diverses appellations, qui peut être condensée en un seul but: l’influence. Il s’agit d’une activité aux contours imparfaitement déterminés, composée de « services intellectuels », dont les limites ne sont définies que par les parties contractantes. Le procès de l’ancien patron d’EDF offre une vue inédite sur les aspects cachés du monde des affaires, où des « consultants » grassement rémunérés mènent diverses batailles, de tailles variables et de légitimité variable, pour leurs clients, des cadres supérieurs préoccupés par les renseignements et la communication.
Des tâches d’intérêt national.
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