Dans le monde des collectionneurs, il est connu comme « L’Américain ». Ce nom de code fait référence à un spécialiste très spécifique de la Deuxième Guerre Mondiale : le guide Michelin de 1939, judicieusement caché dans les sacs des officiers qui ont débarqué sur les plages de Normandie au petit matin du 6 juin 1944.
Des centaines de bibliophiles cherchent sans cesse ce trésor littéraire. « Est-ce recherché? Oui, absolument! », déclare avec enthousiasme Bernard Vassy, commissaire-priseur. Les rares éditions toujours disponibles peuvent se vendre jusqu’à 12 000 euros lors d’enchères. En effet, neuf exemplaires seulement ont été vendus depuis 2002. « Mais, plus précieux que sa valeur monétaire, cet article est un témoin impressionnant de notre histoire récente, il est tout simplement extraordinaire », souligne passionnément l’expert.
Pour découvrir ce trésor historique, un arrêt à Clermont-Ferrand, ville nichée au cœur des volcans d’Auvergne, serait nécessaire. C’est là que l’histoire de Michelin a débuté – d’abord avec la création du pneu démontable et réparable en 1891, puis avec le lancement du premier guide touristique de couleur rouge en 1900, distribué gratuitement chez les mécaniciens pour enrichir les expériences culinaires et les voyages en vélo ou en voiture. Pour Michelin, « L’Américain » est une véritable légende, que Marie-Claire Demain-Frackowiak, conservatrice du département du « patrimoine historique » de l’entreprise, préserve attentivement.
Dans l’énorme bibliothèque nichée au sous-sol de L’Aventure Michelin, le musée résidentiel ouvert au public depuis 2009, une jeune femme nous reçoit. La pièce, une salle sans fenêtres pour protéger l’impressionnante collection de livres alignés sur les murs contre les rayons du soleil, accueille une longue table rectangulaire couverte de documents anciens. L’archiviste choisit avec soin une boîte en carton robuste « au pH neutre, essentiel pour protéger les documents contre l’effet des acides », pour en sortir un document particulier appelé « l’Américain ».
Pertinence des données
Nous l’avions prévu de la même couleur rouge que ses prédécesseurs, mais non, le volumineux livre posé devant nous est de la même teinte beige sable-moutarde que les uniformes portés par les GI lors de la bataille de Normandie. Le guide a probablement dû se camoufler, peut-être pour ne pas trop attirer l’attention des tireurs d’élite ennemis. Deux inscriptions en anglais ornent la couverture. Le haut proclame « For official use only » – « pour usage officiel uniquement », tandis que le bas indique l’identité d’un éditeur hors normes: « Reproduced by Military Intelligence Division. War Department, Washington DC », soit les Services de renseignements militaires de l’armée américaine.
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