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« Turquie: Précarité du labeur saisonnier syrien »

Dans le sud profond de la Turquie, à Gaziantep, à seulement 50 kilomètres de la frontière syrienne, la saison de l’ail et des pistaches n’a pas encore débuté. Par contre, la récolte du coton est prévue pour septembre. Actuellement, le temps est consacré au séchage des poivrons, piments et aubergines, étalés sur des terres éclatantes de couleurs vives, du jaune, du rouge et du noir, bordées de collines durement illuminées par un ciel incandescent. Sur les collines surplombant la petite ville périphérique d’Oguzeli, une poignée de Syriens se démène pour compléter la récolte du jour. Equipés de simples gants et d’un couteau comme seul outil, ils sont chargés de remplir des montagnes de cageots avant l’arrivée de camions vétustes, témoins d’une prospérité passée. C’est un univers de travail acharné, de sueur et de silences, plongé dans l’exploitation et la misère.

Abdullah Zahra, un adolescent de 17 ans, a quitté Alep en 2012 avec sa famille, fuyant la guerre en Syrie. Il travaille dans ces champs depuis deux ans, ayant arrêté d’aller à l’école où il a rapidement appris à parler le turc. « Même si c’est difficile, vraiment difficile, je préfère être ici », confie-t-il à voix basse. Vivant en ville dans un appartement avec ses trois frères, ses parents et un oncle, Abdullah estime que sa famille s’en sort relativement bien. « La plupart des travailleurs saisonniers comme nous vivent dans des tentes à proximité des serres ou des terres cultivées. »

Il ajoute, « Nous travaillons souvent jusqu’à quinze heures par jour. »

La journée de travail débute dès l’aube et se clôture au crépuscule. Abdullah, épuisé par la fatigue quotidienne, passe environ dix à onze heures dans les champs chaque jour, sauf une journée tous les quinze jours, selon sa charge de travail. Il gagne 600 livres turques par jour, soit environ 17 euros ou environ 450 euros par mois lorsqu’il a de la chance. Au total, l’aide mensuelle offerte par le gouvernement turc et l’Union européenne aux familles syriennes augmente ce montant à une somme entre 500 et 700 livres turques par personne et par enfant, soit entre 14 et 20 euros. Toutefois, cette somme totale reste insuffisante, restant inférieure au salaire minimum turc de 17 500 livres turques, qui est légèrement au-dessous du seuil de pauvreté.

Abdullah précise que le travail s’intensifie en juin lorsque la main-d’œuvre augmente, atteignant jusqu’à quinze heures par jour. Ensuite, il travaillera encore trois mois, peut-être à Urfa à l’est, Mersin ou éventuellement à Antalya à l’ouest, en tout cas quelque part le long de cet axe sud turc. Ces terres regorgent de fruits et légumes grâce au climat chaud et emploient une grande partie des travailleurs saisonniers à bas prix. Bien que le nombre fluctue, on compte près de trois millions de travailleurs agricoles saisonniers en Turquie, dont moins d’un tiers sont déclarés officiellement. Il y a environ dix ans, la majorité des travailleurs saisonniers étaient d’origine kurde, mais l’arrivée des réfugiés syriens a remis en cause cette majorité.

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