Un minibus coloré, appelé tap-tap, quitte la station de bus poussiéreuse de la Barrière-Bouteille, un quartier populaire de Cap-Haïtien, la plus ancienne et l’une des villes les plus densément peuplées d’Haïti. Il est en route pour la municipalité des Gonaïves, située à deux heures de trajet. Incroyablement, il parvient à naviguer avec facilité à travers le chaos du trafic sur la nationale 1. Il esquive les nids-de-poule, les flaques d’eau boueuse de profondeur inconnue et les tas d’ordures, tout en zigzaguant entre les motos et les tricycles à moteur souvent surchargés de passagers et de marchandises.
Une fois le minibus parti, la gare routière et son parking sont presque déserts, malgré l’heure matinale. En effet, peu de personnes se risquent à se rendre à autres villes du pays. La violence des gangs qui opèrent dans plusieurs régions d’Haïti et terrorisent la ville de Port-au-Prince, la capitale, a rendu les routes extrêmement dangereuses. Ernst Maxime, un chauffeur de tap-tap de 45 ans qui a assuré le trajet entre Cap-Haïtien et Port-au-Prince pendant vingt ans, déplore cette situation d’insécurité qui fait peur aux gens et les dissuade de voyager. Il est venu discuter avec d’autres collègues dans la salle d’attente à l’ameublement sommaire de la station de bus.
Monsieur Maxime, un homme dans la quarantaine, a beaucoup de temps libre ces jours-ci. Autrefois, il conduit vers la capitale une à deux fois par semaine, un trajet de six heures qu’il faisait quotidiennement dans son minibus de quinze sièges il y a quelque temps. Cependant, la détérioration de la sécurité a changé sa routine. Maintenant, pour se rendre à Port-au-Prince, à 250 km de distance, il doit traverser trois ou quatre « péages » instaurés par des gangs qui extorquent systématiquement tous les véhicules et passagers. Ceux qui résistent peuvent être maltraités ou kidnappés. « Avant de penser à la dépense de l’essence, l’argent pour les bandits est la priorité », confie-t-il avec frustration. En conséquence, le coût de ce voyage a maintenant quadruplé en deux ans. Un simple aller coûte maintenant 4 000 gourdes (27 euros), soit 10% du salaire mensuel d’un enseignant d’une école publique.
Edline (nom changé pour protéger son identité), qui attend dans le seul minibus disponible, ne sait pas combien de temps elle doit attendre : le « tap-tap » ne partira pour Port-au-Prince que lorsqu’il sera complet. « Des voitures à vitres teintées circulent sur la route, et on ignore qui se trouve à l’intérieur », dit-elle inquiète. Cette jeune femme de 27 ans doit retourner à la capitale pour des formalités urgentes. Malgré sa peur, elle est prête à courir le risque. Pour lire la suite de ce reportage, il faut être abonné.
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