Dans un retournement de situation inattendu, Kaïs Saïed, le chef de l’État tunisien, a limogé deux de ses alliés de confiance, à savoir le Ministre de l’intérieur, Kamel Feki, et le ministre des affaires sociales, Malek Ezzahi. La présidence tunisienne a annoncé cette nouvelle tard dans la soirée du samedi 25 mai, sans toutefois fournir de motif. Khaled Nouri, ex-gouverneur de l’Ariana, une région de la grande Tunisie, a été choisi pour prendre la relève de Kamel Feki à la tête de l’intérieur. Kamel Maddouri, un ex haut fonctionnaire, a été désigné pour remplacer Malek Ezzahi, qui faisait partie du cercle politique et philosophique du président.
Ce remaniement ministériel survient alors qu’on observe une montée en puissance des protestations suite à l’arrestation récente de plusieurs dirigeants d’organisations civiles, d’avocats et de journalistes. Lors de son coup d’éclat du 25 juillet 2021, le président tunisien jouissait d’un fort soutien populaire, approchant les 90% d’opinion favorable selon différents sondages. Cependant, il est désormais confronté à une augmentation des critiques et un soutien en déclin, voire inactif. À l’approche de l’élection présidentielle, qui selon la Constitution doit avoir lieu avant le 23 octobre, il a coupé les ponts avec la plupart de ses proches collaborateurs qui l’avaient soutenu depuis la révolution.
Un rassemblement de soutien au régime à Tunis le 19 mai n’a attiré que quelques centaines malgré la mise en place de bus depuis différentes régions du pays. En parallèle, des personnalités allant d’avocats, blogueurs à intellectuels qui étaient autrefois partisans fervents de Kaïs Saïed, ont jugé que la tendance autoritaire du pouvoir est devenue indéfendable. Parmi eux, une avocate qui avait défendu le « processus du 25 juillet » (un euphémisme illustrant l’action politique de Kaïs Saïed depuis son coup de force) s’est excusée publiquement sur la radio privée Jawhara FM pour avoir « contribué à l’établissement d’une vaste prison ». Elle a déclaré que les droits et libertés publiques se trouvent dans un état de « mort clinique ».
Retour à un « Etat de police »
En même temps, le vendredi, quelques centaines de jeunes militants de groupes de gauche et d’organisations de la société civile, dont certains sont en lien avec des ministres exclus, ont organisé une manifestation contre Kaïs Saïed. Ils ont dénoncé un retour à un « Etat de police » et qualifié Kaïs Saïed de « dictateur ». Le chef d’Etat a repoussé ces critiques, déclarant que les libertés sont garanties, tout en justifiant les récentes arrestations. Il l’a affirmé lors d’une réunion avec le ministre de la justice le même soir.
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