Elisabeth Quin, journaliste et présentatrice de l’émission « 28 minutes » sur Arte tous les soirs, est la mère adoptive d’une fille. Dans son livre « Tu n’es pas la fille de ta mère » (Grasset, 2004), elle décrit tout le processus d’adoption de sa fille au Cambodge. Elisabeth mentionne qu’elle s’est sentie « à la fin de son voyage » lorsqu’elle a rencontré son enfant dans un orphelinat. En parlant de l’expérience de devenir parent, elle dit : « Nous avons dû apprendre ensemble avec son père adoptif ». Malheureusement, ils se sont séparés et le père est décédé par la suite. Sa fille, qui a 22 ans maintenant, habite dans un studio à environ 400 mètres de chez sa mère, une distance que Quin juge « parfaite pour une fusion », exprimant cela avec une pointe d’humour.
Lorsqu’elle a adopté sa fille, Quin ne disposait pas de références, elle ne connaissait aucun parent adoptif. Elle s’est lancée dans cette aventure d’adoption à l’étranger, sans avoir aucune idée de ce qu’impliquait la vie quotidienne. Deux questions la tracassaient : « Quand deviendra-t-elle ma fille ? » et « Quand deviendrai-je sa mère ? »
Je me trouvais confrontée à une situation délicate, confrontant un directeur d’orphelinat agité, submergé et énervé par ma prudence féline pour ne pas offenser qui que ce soit et mon empathie occidentale, qui, à son avis, était incapable de saisir le contexte. Puis, j’ai aperçu cet enfant dans un berceau… Était-ce un souvenir visuel ou une reconstruction? Je ne le sais pas, cela n’a pas d’importance. Je sais que j’ai vu un visage, que ce visage avait deux mains qui s’accrochaient à une barre de berceau en bois, et ces deux yeux me transmettaient un message. Pas « tu es ma mère », mais « sauve-moi d’ici », du moins c’est ce que j’ai déchiffré dans ces yeux, « emmène-moi avec toi ». A partir de ce moment-là, j’ai tissé l’histoire d’un bébé qui aurait peut-être identifié sa future mère. J’ai eu ce flash, « je veux être sa mère », à ce moment précis. Cependant, ce « sauve-moi d’ici » pourrait tout aussi bien ne pas être une déclaration d’amour, mais plutôt un « je ne veux pas être dans un orphelinat, ce n’est pas mon destin »… On réinterprète tout cela a posteriori. Vous avez écrit que ne pas avoir d’enfant biologique a été une décision que vous avez prise…
La situation environnementale et démographique, en lien avec les ressources de notre planète, me faisait pencher favorablement vers une réduction de la population. Je n’envisageais pas d’avoir un enfant supplémentaire. Je n’éprouvais aucun désir de procréer. C’était une opinion que je gardais pour moi. Selon la perception des autres, le choix de ne pas procréer crée une image de vous en tant qu’individu incomplet, une femme suspecte, quelqu’un qui refuse de participer à la grande communauté féminine dont le but est de se multiplier et de se maintenir. Cela m’a valu des réactions sarcastiques, brutales et de l’incompréhension. Maintenant, j’assume plus sereinement cette décision. L’idée de me trouver reproduite dans le visage, les attitudes, les comportements d’un enfant qui serait le mien ne m’inspirait pas du tout. Cependant, c’était une illusion, car ma fille me ressemble effectivement, et elle est la première à en rire. Mais cela est dû à l’imitation, à ce qui est appris.
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