L’île de Phuket, située au sud de la Thaïlande, est davantage réputée pour être une destination de vacances prisée des occidentaux et des russes pour ses plages de sable fin et son eau d’un bleu limpide, plutôt que pour être un lieu de rassemblement pour les sportifs en quête de gloire. Néanmoins, c’est précisément ici, au sein de l’institut pas très esthétique de l’Université Rajabhat, entourée d’une multitude d’hôtels, que la crème de la crème des athlètes mondiaux pratiquant l’haltérophilie s’est donné rendez-vous en ce début de printemps. Pour les quelque 450 athlètes participant, c’était une ultime opportunité de qualification pour les Jeux Olympiques de Paris.
Mohammed Hamada, âgé de tout juste 22 ans, en est conscient. Ce 7 avril, le jeune homme, au cou robuste et aux épaules massives, concourt dans la catégorie des moins de 96 kilos. En position accroupie, dos droit et fesses vers l’arrière, ses mains couvertes de talc sont fermement posées sur la barre. Après quelques instants de concentration intense, il envoie avec force une barre de 100 kilos au-dessus de sa tête, les bras tendus, exécutant l’arraché à la perfection.
Pour l’épaulé-jeté, qui consiste à lever la barre jusqu’aux épaules avant de l’envoyer au-dessus de la tête, il réussit une tentative à 120 kilos. Il est cependant loin derrière les favoris qui soulèvent plus de 150 kilos pour l’arraché et plus de 200 kilos pour l’épaulé-jeté. Sur les neuf concurrents de sa catégorie, Mohammed Hamada termine dernier. Préférant jouer la sécurité, il a décidé de lever un poids « léger », bien en deçà de ses records – 168 kilos à l’arraché et 200 à l’épaulé-jeté. Il n’y avait pas besoin de s’épuiser, car ses chances de qualification face aux meilleurs étaient quasiment nulles.
Depuis le lointain Gaza.
L’essentiel pour Mohammed Hamada ne résidait pas uniquement dans l’exploit sportif, mais dans sa simple présence à Phuket. Il a fait plusieurs gestes symboliques avant ses compétitions, notamment en pointant le ciel et en indiquant le drapeau de la Palestine sur son costume rouge et noir après chaque levée de barre. Pour lui, cela servait à souligner que, contrairement à ses concurrents, sa préparation pour la Thaïlande n’était pas centrée sur l’entraînement, mais sur la survie au sein du tumulte de Gaza.
La compétition à Phuket avait donc une signification particulière pour lui. Il partage avec nous l’émotion ressentie après sa performance, affirmant qu’il représentait sa famille, son peuple et toute la Palestine. Il s’est ensuite détendu dans le hall de l’Hôtel Ramada, un établissement luxueux cinq étoiles aux influences architecturales Peranakan combinant des éléments orientaux et européens, qui accueille certains des athlètes. Toutefois, en dépit de ce cadre luxueux, Hamada raconte une toute autre réalité, celle de scènes d’horreur et de désolation. Son entraîneur et grand frère, Hossam, 39 ans, l’écoutait attentivement raconter « six mois de siège, de destruction et de faim ».