Dans le seul wagon d’un train traversant la région septentrionale de l’Espagne, de Gijón en Asturies à Ferrol en Galice, nous sommes une petite dizaine de voyageurs. Une grande partie des passagers a embarqué à Cudillero, un petit village plein de charme en dérive, niché sur une falaise surplombant la mer Cantabrique. L’un de ces passagers est Nilo Prieto Alvarez, qui a prévu de descendre à Viveiro en Galice pour déguster un repas de pieuvre.
Pour ce retraité, les sept heures aller-retour en train n’ont quasiment pas d’importance comparées à la joie qu’il trouve à voyager sur cette ligne chaque semaine. « Mes pas deviennent incertains après quelques verres de vin blanc, je dégaine un peu, mais je ne tombe jamais », dit-il en rigolant. Habitué depuis toujours à ce paysage, il en connaît chaque coin et chaque station. « Il est incollable sur toutes les gares et tous les coins du paysage », ajoute le contrôleur Eva Granda, pendant qu’une pause a été nécessaire pour laisser passer un chien sur la voie.
Les pauses imprévues et les klaxons ne surprennent personne ici. Que ce soit la vieille dame avec ses bagages volumineux qui nous confie qu’elle a perdu son domicile, ou le fêtard qui revient d’une nuit de fiesta à Oviedo, ou encore la jeune Polonaise qui se repose sur la route de Compostelle. Le train poursuit sa route à son propre rythme, à une vitesse moyenne de 60 kilomètres par heure, faisant une centaine d’arrêts avant d’atteindre Ferrol, son terminus. C’est tout aussi lent dans la direction opposée, vers l’est, entre Oviedo et Llanes, où il faut compter trois heures et demie pour parcourir 90 kilomètres. « Dans les Asturies, il n’y a souvent qu’un seul rail, ce qui signifie qu’il faut s’arrêter pour laisser passer l’autre train », note Eva Granda.
L’atmosphère des Cercanias, ou des banlieues de l’Asturias, est transportée par un chemin de fer à voie étroite connu sous le nom de FEVE, qui est sous l’administration de la Renfe, l’entreprise ferroviaire espagnole, depuis 2012. Ce réseau, principalement localisé vers le nord du pays, trace les anciennes lignes de transport de fer depuis les mines jusqu’aux principaux ports de Gijon et Aviles, originalement mis en place au début du XXe siècle.
Actuellement, cette ligne de chemin de fer joue un rôle crucial pour éviter l’isolement des régions rurales et permet aux habitants locaux de se déplacer à des frais abordables. Cela offre également une opportunité unique à ceux qui aiment explorer de découvrir les Asturies d’une manière différente. En prenant leur temps. En laissant leur regard se perdre à l’horizon. En empruntant « le train qui ne cesse de s’arrêter ». Celui qui traverse des viaducs avec vue sur l’océan, des tunnels qui ouvrent sur les montagnes verdoyantes de la Sierrra de Cuera, des villages côtiers, des criques inaccessibles et des gares abandonnées. Comme celle de Castropol, une petite maison abandonnée au milieu d’un champ où deux moutons semblent surpris de vous voir.
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