Didier Daeninckx a tenu divers rôles, notamment ceux d’ouvrier imprimeur, animateur culturel et journaliste local. Axe principal de ses histoires, il met l’accent sur les questions sociales et la recherche historique d’un passé déformé ou dissimulé. Il trouve donc son inspiration dans son cadre familial, constitué d’anarchistes, d’antimilitaristes et de communistes. En 1984, il a rédigé « Meurtres pour mémoire », qui a été publié dans la « Série Noire » de Gallimard. Depuis, il a écrit une trentaine de livres qui traduisent sa détermination à ancrer les enjeux des thrillers dans le contexte social et politique réel. Il a également écrit de nombreuses nouvelles dépeignant la vie quotidienne sous un angle parfois tragique, parfois ironique, le fil conducteur étant souvent l’humour noir.
On le décrit souvent comme un franc-tireur. Dans son autobiographie « La Mémoire longue » (Le Cherche Midi, 2008), il mentionne qu’il se situe dans « la chambre noire de l’histoire ». A quoi fait-il référence ? Pour lui, cela signifie qu’il a une histoire familiale caractérisée par de nombreux non-dits. En devenant écrivain, son objectif était d’examiner, par le biais de la fiction, tous ces non-dits qui sont intrinsèquement liés à l’histoire générale. Son grand-père paternel avait été déclaré déserteur pendant la Première Guerre mondiale. A l’âge de 12 ans, il faisait des blagues disant qu’il était capitaine de bateaux-lavoirs, puisque sa femme était lavandière sur les bords de la Seine. C’était là sa façon de minimiser la question. Le fait d’avoir révélé dans un article qu’il était déserteur a suscité des remontrances de la part de sa famille.
Subséquemment, j’ai eu l’opportunité d’examiner son dossier et j’ai appris qu’il avait passé un an dans la résistance à Aubervilliers, avant d’être capturé par la police pour possession de documents frauduleux, puis condamné à trois ans de travaux forcés. J’avais déjà tenté d’investiguer cette partie obscure de l’histoire en 1984 avec Le Der des ders, bien avant d’avoir accès à ces dossiers.
Ces informations proviennent du numéro spécial du Monde : 1944 – De l’invasion à la libération de la France, publié en mai 2024. Il est disponible chez les marchands de journaux ou sur notre boutique en ligne.
Plus tard, j’ai rédigé des chroniques sur mon autre grand-père dont le passé était étroitement lié à l’histoire du parti communiste. Il avait tenu le rôle de maire de Stains de 1935 à 1939 et avait été conseiller général de la Seine. Un jour, dans les années 1970, je l’ai vu verser des larmes devant une interview télévisée de Charles Tillon, qui venait d’être expulsé du parti.
C’était la même situation ici. Il était impossible d’accéder aux informations, jusqu’au jour où un ancien maire m’a révélé ce que mon grand-père n’avait jamais mentionné à ses enfants : il avait rejeté le pacte germano-soviétique et avait quitté le PC. Par la suite, il s’est engagé dans l’armée et a été capturé pendant quatre ans et demi. Mais en août 1945, grâce à l’aide de Charles Tillon, les soldats élus du parti qui avaient rejeté le pacte germano-soviétique ont pu se présenter sous le label communiste.
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