La législation actuellement en discussion au Parlement concernant l’assistance à la mort, ne fait pas consensus, en particulier parmi les personnes âgées. Ce projet tente de pallier les peurs d’une petite part d’individus, malades en phase terminale ou en fin de vie, qui ne reçoivent pas le soulagement nécessaire de la part du système médical ou choisissent d’anticiper leur décès en raison d’une possible souffrance insupportable. Il est compréhensible.
Ce projet séduit également un segment de « jeunes seniors » encore autonomes et en bonne santé qui veulent rester en contrôle de leur destin, craignant de vieillir et de mourir difficilement. Plus nous avançons en âge, plus nous atteignons, comme le disait René Char, « l’âge fragile », avec ses risques de faiblesse et de dépendance. D’où notre inquiétude face à une loi qui pourrait faire du fait de donner la mort un « soin final » sans l’accord des professionnels de santé. Une loi qui n’aborde pas les zones d’ombre et les possibles abus, ignorant la diversité et surtout l’inégalité des conditions de vie.
Pourquoi choisir de soutenir une loi sur le suicide assisté et l’euthanasie – nous récusons l’amalgame sémantique qui consiste à ne pas appeler les choses par leur nom – plutôt que d’investir les ressources humaines et financières nécessaires pour permettre de vieillir et de mourir dignement ? Pourquoi ne pas exiger que la loi Claeys-Leonetti – qui, à notre avis, permet de répondre à toutes les appréhensions de la souffrance avant de trépasser – soit davantage connue du public et mieux appliquée par le corps médical ? Pourquoi ne pas exiger, comme l’ a recommandé le Comité consultatif national d’éthique, d’abord établir un réseau national de soins palliatifs français, avant de penser à aller plus loin ?
Il semble provocateur de classer le suicide assisté et l’euthanasie sous la catégorie « soins d’accompagnement », une perception partagée par une grande majorité de médecins et de soignants. L’approche change leur définition de « soin » et crée une incertitude parmi leurs patients âgés, surtout après que cette loi est passée. Nous reconnaissons que former les médecins à dispenser des soins palliatifs, appliquer correctement la loi Claeys-Leonetti et mettre en place des équipes hospitalières et à domicile à un coût. À l’inverse, une injection létale ne coûte rien.
Il existe de multiples inégalités
Dans une situation budgétaire très contrainte, la ministre Catherine Vautrin a décidé d’augmenter l’accès aux soins palliatifs avant que l’assistance à la mort ne soit votée. Quelle est la pertinence de cette décision face au montant insignifiant alloué au développement de ces soins pour la prochaine décennie [le gouvernement a récemment déclaré qu’il augmenterait ses efforts de 1,1 milliard d’euros pour cette période] ? Comment peut-on ne pas noter l’incohérence entre cette promesse et le fait que l’assistance à la mort sera déjà votée en 2025 ?
La lecture de la suite de cet article est réservée aux personnes abonnées.