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« Découverte de la vision racialisée des partisans RN »

Le domaine de la science politique française a, ces dix dernières années, construit une analyse complexe fondée sur le parti de Marine Le Pen, englobant la sociologie des militants et de ses leaders, la géographie électorale et l’interprétation des programmes et des idées. Cependant, la voix des électeurs a remarquablement fait défaut dans ce puzzle, jusqu’à présent. C’est cette pièce que Félicien Faury, sociologue, a habilement placée. Résultat de sa thèse et d’une enquête sur le terrain conduite dans le sud-est de la France de 2016 à 2022, son ouvrage « Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite » (Seuil, 240 pages, 21,50 euros) est une sérieuse considération pour les votants du lepénisme.

Armé de ces témoignages directs, Faury explore leur décision de vote afin de déconstruire certaines idées préconçues souvent répétées à la télévision au fur et à mesure que le vote pour le Rassemblement national (RN) devient courant. Est-ce un « vote de colère », un « cri de détresse », ou une manifestation de « dégagisme »? Il soutient que non : une logique spécifique anime le choix politique des électeurs RN. Cette logique est raciale. Il écrit que « l’aversion envers les minorités ethno-raciales est le dénominateur commun entre les différentes fractions de l’électorat lepéniste et le lien qui unit les différentes motivations des votants du RN », ce qui confirme ce que les enquêtes quantitatives répètent.

En s’installant dans le Sud-Est, le politologue et sociologue de l’Université Paris-Saclay s’est émancipé de l’obsession médiatique et politique pour les régions frappées par la désindustrialisation. Il s’est plutôt concentré sur ce qui compose l’essentiel du corps électoral de Le Pen : la classe moyenne inférieure, économiquement stable (emplois non délocalisables, propriétaire de leur propre logement), mais peu éduquée.
Cette classe a une « position dominante ».

Selon les dialogues qu’elle a eus avec les électeurs, on peut observer des « concepts partagés » ou une vision du monde qui pousse vers le vote pour Le Pen. « Les domaines fiscaux, éducatifs et résidentiels sont devenus des arènes pour des concurrences sociales racialisées, où les groupes minoritaires, formulés et essentialisés en tant que tels, sont vus et jugés comme des compétiteurs non valides », explique l’auteur. Cette perspective sur le monde, qui est prévalente dans le quartier ou sur le lieu de travail, sert à légitimer le vote pour Le Pen, à le déstigmatiser de l’extrémisme et, au bout du compte, à le renforcer.

Au cours de l’automne 2023, un débat s’est engagé entre deux interprétations du vote populaire pour le RN, qu’on peut résumer de la manière suivante : d’une part, les économistes Julia Cagé et Thomas Piketty, qui ont écrit une collection de géographies électorales (Une histoire du conflit politique, Seuil, 2023), arguant que les inégalités socio-économiques sont le principal facteur déterminant du vote RN; d’autre part, Jérôme Fourquet, l’enquêteur de l’Institut français d’opinion publique, qui, dans La France d’après. Tableau politique (Seuil, 2023), a mis en avant la question de l’identité comme étant prépondérante.

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