« Ravi d’avoir perturbé vos réflexions », c’est avec ces mots que David Cronenberg nous accueille alors que nous sommes assis sur une section de canapé dans le tumulte cannois. Il affiche un sourire affable en nous voyant tenter de réorganiser nos pensées, qui étaient égarées dans une réflexion philosophique sur la mort, le deuil, Eros et Thanatos. Ces thèmes sont au cœur de son dernier film, Les Linceuls, présenté en lice pour le Palme d’or le lundi 20 mai. Pourrait-il s’agir du thème central de tous ses films, voire de tous les films en général? Ou même, du sujet de tout?
« Le point de départ est bien évidemment la première scène », nous confie le réalisateur canadien. « Je suis juif mais totalement athée. Cependant, en ce qui concerne les funérailles, je trouve l’idée que l’âme peine à se détacher du corps parce qu’elle l’a utilisé pour vivre le monde, très belle dans la tradition juive. » Les Linceuls raconte l’histoire d’un homme qui, ne voulant pas laisser sa femme seule dans sa sépulture, a conçu un linceul équipé de caméras permettant de maintenir une connexion avec les morts tout en visualisant leur décomposition…
Après le décès de sa femme en 2017, David Cronenberg n’était pas certain de vouloir continuer à réaliser des films : « J’étais en deuil. J’étais déprimé. Mais l’idée du streaming m’intriguait. Les séries sont comme un roman, tandis qu’un film ressemble davantage à une nouvelle. J’ai donc proposé le projet à Netflix, juste avant la pandémie de Covid. Ils étaient intéressés. J’ai rédigé deux épisodes, et ils ont ensuite décidé d’abandonner le projet sans fournir d’explication claire. Mais j’en étais satisfait, car cela a finalement donné lieu à ce film. »
Une véritable ode testamentaire…
« Vincent Cassel, assumant le rôle principal, évoque étonnamment un jeune David Cronenberg. C’est peut-être aussi à cause de l’incorporation de tous les sujets favoris du réalisateur que Les Linceuls est perçu comme un hommage testamentaire. Il est bon de souligner « J’ai souvent déclaré, et je comprends que cela puisse être difficile à admettre, que lors de mes tournages, je ne pense jamais à mes réalisations précédentes. Je ne suis pas un réalisateur qui s’auto-référence. Chaque film représente un univers distinct. En effet, la ressemblance est coïncidence. Honnêtement, Vincent et moi ne nous ressemblons pas du tout. Mais il insistait sur l’opinion que je représentais ce personnage. Alors il s’est inspiré de moi. Je l’ai remarqué en train de m’étudier, d’observer mes mouvements, ma façon de parler doucement, contrairement à lui qui parle très rapidement. Et, d’une manière amusante, une connexion est évidemment perçue à l’écran », constate-t-il en souriant.
David Cronenberg, le célèbre réalisateur de 81 ans, surprend constamment les journalistes de différentes générations qui se font une idée étrange de lui après avoir vu sa sélection de films terrifiants (La Mouche, 1986), choquants (Crash, 1996), violents (A History of Violence, 2005) et tourmentés (A Dangerous Method, 2011). Ils sont toujours étonnés de découvrir un homme doux et sensible avec un parcours de vie paisible. Sa vie personnelle est plutôt agréable, avec une belle enfance et des parents aimants. La seule ombre au tableau, selon lui, est la douleur ressentie lors du décès de ses proches. Sa vie personnelle ne nécessite pas de violence, mais il ne peut ignorer sa présence omniprésente. Dans une tentative pour maîtriser la mort et la tristesse, son personnage utilise sa créativité artistique pour concevoir un techno-cimetière. Il essaie également de transformer ses problèmes de santé, comme ses calculs rénaux, en œuvres d’art, mais il est déçu que personne ne les a achetées même s’il les trouve belles. L’article complet avec tous ces détails est disponible uniquement pour les abonnés.
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