Depuis trois décennies, Wolfgang Cramer n’a cessé de sonner l’alarme sur l’extinction des espèces, l’impact de l’élévation du niveau de la mer et la complexité croissante, sinon l’impossibilité, de s’adapter à ces menaces. Cet écologue et directeur de recherche à l’Organisation nationale pour la recherche scientifique (CNRS), a, pendant ces trente années consigné ces dangers dans les documents du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Cependant, en dépit de ses efforts, il a vu avec incapacité, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et le déclin de la biodiversité. Malgré cela, une chose a changé : fin 2022, le chercheur a rejoint le groupe de désobéissance civile, nommé Scientifiques en rébellion. À l’âge de 67 ans, il a pris la parole pour la première fois lors d’une manifestation le 11 mai pour contester les plans de construction de grands réservoirs d’eau dans le Puy-de-Dôme.
« Pendant toutes ces années, nous avons commis une grave erreur. Nous n’avons pas su montrer aux gens, sous prétexte d’une science neutre mal comprise, que nous vivions une crise profonde », a exprimé le chercheur de l’Institut méditerranéen de biodiversité et écologie marine et continentale. Il envisage maintenant d’« intensifier son discours », de montrer qu’il est « profondément affecté » pour que d’autres le soient aussi. Il a décidé de ne plus hésiter à nommer les « sources de la crise »: l’industrie polluante, l’agriculture intensive et les SUV.
De plus en plus de chercheurs comme Wolfgang Cramer, provenant de divers domaines scientifiques tels que la climatologie, l’écologie, la physique et la sociologie, abandonnent le confinement de leurs laboratoires pour entrer dans l’agora. Ils s’expriment publiquement, interviennent sur les plateformes de médias sociaux, appuient les actions juridiques et pratiquent la désobéissance civile. Ils ne se contentent plus de simplement observer les crises environnementales actuelles. L’inaction apparente les a frustrés et ils aspirent non seulement à sensibiliser le public, mais aussi à influencer les décideurs politiques.
L’implication des scientifiques n’est pas nouvelle – ils ont oeuvré sur des sujets tels que la lutte des classes, l’égalité des sexes, le nucléaire, le sida et les OGM -, mais leur engagement a pris une nouvelle tournure autour des enjeux environnementaux (comme le climat, la biodiversité, les ressources) et de santé (du fait de la crise du Covid-19) et dans le choix de leurs actions. De nombreux groupes et organisations de nouvelles créations démontrent cette volonté des scientifiques d’agir face à l’urgence : les Ateliers d’écologie politique, Labos 1point5, EffiSciences, Scientifiques en rébellion, Projet CO2, pour n’en nommer que quelques-uns.
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