Sur la place Tiananmen, au milieu d’un tapis rouge, de vingt-et-un coups de canon, et de jeunes enfants agitant des fleurs et des drapeaux, le président chinois Xi Jinping a accueilli le dirigeant russe Vladimir Poutine avec tous les égards possibles, le jeudi 16 mai à Pékin. Le lendemain, Poutine a poursuivi son voyage dans la ville de Harbin, dans la province du Heilongjiang, située au nord-est du pays.
Cette rencontre a permis de confirmer la profondeur des relations entre les deux hommes, qui se sont rencontrés plus de quarante fois depuis 2013. Ils ont partagé un moment de thé en plein air, confortablement installés dans des fauteuils en rotin, avant de effectuer une promenade intime aux côtés de leurs interprètes, autour des lacs de Zhongnanhai, non loin des palais gouvernementaux adjacents à la Cité interdite. Selon Xi Jinping, malgré les nombreux obstacles, les relations entre les deux pays sont actuellement à leur plus haut niveau historique, soixante-quinze ans après l’établissement de relations diplomatiques formelles.
L’ampleur du communiqué commun, rédigé en russe et fort de 7 000 mots, ainsi que la rare étreinte offerte par M. Xi, sont des témoins éloquents de la convergence de leurs vues. Les thèmes abordés incluaient le commerce, l’énergie et aussi une collaboration militaire visant à « améliorer constamment la capacité et le niveau des deux parties à répondre aux risques et défis ». Les États-Unis ont été clairement identifiés comme adversaire commun, critiqués pour leurs « tentatives d’affaiblir la stabilité stratégique afin de maintenir leur supériorité militaire ».
Dans une première pour la Chine, le communiqué contient une « censure vive des attitudes qui glorifient ou même tentent de ressusciter le nazisme et le militarisme », faisant référence à l’argument fallacieux utilisé par M. Poutine pour justifier l’envahissement de l’Ukraine. Une relation clairement « modèle » est exposée ici.
La relation optimale nommée « partenariat stratégique global de coordination pour la nouvelle ère » selon les codes diplomatiques, est perçue comme la plus importante des relations diplomatiques de la Chine. Néanmoins, l’expression « amitié sans limites », qui avait été utilisée trois semaines avant l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, n’est plus d’actualité. Cette phrase avait été inventée par Le Yucheng, le sous-ministre chinois des affaires étrangères le plus puissant et spécialiste de la question russe, à la fin de l’année 2021. Toutefois, en juin 2022, trois mois après le début du conflit ukrainien, il a été transféré en tant que sous-directeur de l’administration de la radio-télévision, avant de prendre sa retraite l’année suivante.
La Chine est maintenant désireuse de restructurer ce partenariat, qui lui cause de nombreux désagréments dans sa relation dégradée avec les pays européens, un marché crucial pour ses exportations. Bien qu’elle ait affiché son soutien à M. Poutine, Xi Jinping a réaffirmé son attachement à « l’intégrité territoriale de tous les pays » lors de son discours devant son homologue, manifestant ainsi son opposition à l’annexion progressive de l’Ukraine par la Russie. Pékin est également inquiet de la rhétorique nucléaire adoptée par le président russe. Celui-ci a effectué des exercices simulants le déploiement d’armes nucléaires tactiques début mai, lors d’une visite de Xi Jinping en France. « Une guerre nucléaire ne peut avoir de vainqueurs et ne devrait jamais se produire », figure dans le communiqué conjoint.
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