Au cœur de la cité dominicaine Saint-Domingue, plus précisément dans le tranquille quartier résidentiel de Miraflores, des éclats de rire en créole haïtien émanent d’un bâtiment à peine terminé. Trois ouvriers se réjouissent de leur fin de journée laborieuse autour d’un jeu de dominos sur une table de bois. Ils savourent l’accalmie après l’agitation quotidienne sur le chantier de ce prochain complexe résidentiel de luxe.
Près de la grille, Fénac, un jeune homme de 29 ans originaire des Gonaïves, une grande ville du nord-ouest d’Haïti, esquisse un sourire las. Il confie avec résignation : « Le travail est pénible ». Il travaille ici, à contrecoeur, depuis sept ans, car c’est la seule option qu’il a trouvée en dehors de son pays natal.
Fénac partage son quotidien laborieux : du lundi au vendredi de 8h à 17h, parfois même le samedi, la journée s’étirant jusqu’à 15h ou 16h. Le tout contre un salaire de 12 500 pesos (équivalent à 196 euros) tous les quinze jours. Son discours se mele d’espagnol et de créole, reflétant sa réalité en tant que travailleur immigrant en République dominicaine.
Un des participants d’un jeu de dominos se lève finalement pour participer à la conversation. « Ici, les Haïtiens ne sont pas respectés! », proteste cet employé, qui demande à rester anonyme. « J’attends depuis longtemps pour obtenir mes papiers. Si tu n’es pas en règle, les forces de l’ordre te maltraitent lorsque tu es interpellé », se plaint cet homme dans la trentaine, forcé de vivre dans l’ombre. Il y a deux jours, un maçon haïtien d’une quarantaine d’années est mort en tombant du sixième étage du bâtiment en construction juste en face de lui. « Les conditions de travail sont indignes, nous ne bénéficions d’aucune protection », se lamente l’ouvrier.
Un type de servitude
La présence de sans-papiers sur ces chantiers à Miraflores n’est pas à ignorer. Dans le pays, le secteur de la construction fait appel principalement à des travailleurs immigrés, la plupart haïtiens, le seul pays voisin de la République dominicaine sur la grande île d’Hispaniola. Cette dernière organise ses élections générales ce dimanche 19 mai.
Ceci malgré une révision du code du travail en 1992, limitant à 20% le nombre de travailleurs étrangers dans les industries dominicaines. « En fait, c’est l’inverse qui est vrai : quatre travailleurs de la construction sur cinq sont haïtiens. Les locaux ne sont pas attirés par la construction », constate Esperidon Villa, président du syndicat CASC. Les maigres salaires, les droits sociaux limités et les accidents fréquents découragent les locaux. « La plupart des ouvriers dorment sur leur lieu de travail », ajoute le leader syndical, qui accuse la situation d’« esclavage moderne ».
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