Dans un entretien récent avec Elle, le président français, Emmanuel Macron, a exprimé son soutien pour permettre aux centres privés de faciliter la préservation des ovules, une pratique autrefois exclusivement réservée aux établissements hospitaliers. Macron a également proposé l’organisation de campagnes pour promouvoir la préservation des ovules chez les femmes qui souhaitent retarder la maternité.
Depuis l’actualisation de la loi bioéthique en 2021, les femmes âgées de 29 à 37 ans peuvent désormais choisir de conserver leurs ovules pour des raisons autres que médicales. Grâce à cette technique d’autoconservation ovocytaire, qui consiste à prélever et congeler les ovocytes, elles peuvent maintenir leurs chances de concevoir plusieurs années. Avec l’entrée en vigueur de cette loi, la demande a considérablement augmenté, dépassant la capacité des centres spécialisés. Jusqu’à présent, cette technique n’était dispensée que par des hôpitaux publics ou des institutions privées à but non lucratif.
Le changement de loi de 2021 a également permis l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, qu’elles soient célibataires, en relation avec une autre femme ou dans une relation hétérosexuelle. Auparavant, seules les dernières pouvaient bénéficier de ce droit en France. Ce revirement important et discret de la société pose plusieurs questions sur le nombre de personnes concernées, les étapes requises et pourquoi la demande a du mal à être satisfaite.
Ce texte autorise la conservation de gamètes (soit des ovocytes ou des spermatozoïdes) sans motif médical, pour une utilisation future. Les femmes ont la possibilité d’utiliser leurs ovocytes congelés jusqu’à l’âge de 45 ans via une PMA, peuvent choisir de les donner, ou même de les détruire.
Avant cela, la préservation des ovocytes était strictement réservée aux patientes dont la fertilité pourrait être affectée par un traitement médical, surtout pour les personnes atteintes de cancer. Aujourd’hui, elle est proposée comme une option non thérapeutique, qui est couverte par la Sécurité sociale, à part pour la congélation, qui coûte approximativement 40 euros chaque année.
Quels sont les détails de ce protocole ?
Les femmes qui souhaitent opter pour l’autoconservation ovocytaire contactent les centres agréés, majoritairement les Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) qui sont situés dans les hôpitaux publics, avec ou sans l’accompagnement de leur sage-femme ou gynécologue.
Le processus débute par une évaluation de la fertilité afin de juger du rapport bénéfice/risque de la collecte d’ovocytes, c’est-à-dire déterminer si la personne a une réserve ovarienne suffisante pour une intervention avec de bonnes probabilités de réussite.
Ensuite, un cycle de stimulation ovarienne est programmé sur une période d’environ deux semaines, qui implique l’administration d’injections hormonales, des échographies et un contrôle biologique, avant l’opération d’une ponction ovarienne au bloc opératoire lors d’une brève intervention.
Ce protocole peut être réitéré à plusieurs reprises en respectant des intervalles de quelques mois entre chaque essai. Une fois que les ovocytes ont été recueillis, ils sont conservés dans les centres agréés après être congelés par vitrification et stockés dans de l’azote liquide.
Pourquoi la demande ne peut-elle être comblée ?
Depuis 2021, les trente-trois centres Cecos sont débordés par des demandes qui surpassent leur capacité, et cela s’ajoute à leur rôle historique de soutenir les couples infertiles dans leur parcours de PMA avec un tiers donneur. En outre, ils voient l’apparition de nouveaux profils de femmes seules ou en couple homosexuel. Les centres ont une autre importante tâche, la préservation de la fertilité lors de traitements affectant la production des gamètes. Ils proposent aussi l’autoconservation ovocytaire et des spermatozoïdes pour les hommes de 29 à 44 ans, comme la loi le prévoit maintenant.
Selon Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de la biomédecine, la demande a augmenté huit fois. Elle note également que les cliniques sont débordées et le personnel est sous pression. Même avec un financement de 7 millions d’euros des Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) suite à l’adoption de la loi bioéthique, ces fonds n’ont pas toujours été alloués de manière systématique aux centres accrédités, d’après la professeure Catherine Guillemain, responsable du service de biologie de la reproduction à l’hôpital de Marseille.
Les délais de prise en charge se sont rallongés du fait de cette hausse de la demande, une situation préoccupante lorsque le temps est un facteur crucial, explique Marine Jeantet. L’Agence de la biomédecine a signalé environ 20000 demandes d’autoconservation ovocytaire, mais seulement 4000 ont été prises en charge, selon les données recueillies jusqu’en août 2023. Le nombre exact de Françaises qui n’ont pas pu faire une demande ou qui se sont tournées vers des cliniques à l’étranger n’est pas connu, car certains centres n’ont pas de liste d’attente.
En France, obtenir un premier rendez-vous pour la conservation ovocytaire prend en moyenne huit mois, et dans la région parisienne, cela peut prendre plus d’un an, indiquant une tension élevée. Cependant, l’ouverture prévue de trois nouveaux centres dans la région Île-de-France en 2023 a permis une réduction partielle du temps d’attente. De plus, l’Agence Régionale de Santé signale que six autorisations supplémentaires pourraient être accordées d’ici l’automne grâce à l’évaluation de nouvelles applications, permettant à la région d’avoir seize centres agréés.
Les femmes qui optent pour la conservation de leurs ovocytes sont majoritairement âgées de 35 à 37 ans, représentant 65% des cas selon l’Agence de la Biomédecine. Ceci est l’âge limite pour l’autoconservation ovocytaire. Hélène Malmanche, une sage-femme parisienne et docteure en anthropologie, évoque l’importance de trouver un rendez-vous rapidement étant donné que les probabilités de réussite en PMA diminuent considérablement après 38 ans. Marine Jeantet réaffirme que, bien que l’autoconservation soit une progression majeure pour la société, elle n’assure pas une grossesse réussie.
Concernant les raisons pour lesquelles les femmes recourent à l’autoconservation ovocytaire, une grande part sont des femmes célibataires, selon Hélène Malmanche, se basant sur ses propres observations. Il s’agit également de femmes en couple qui émettent des doutes sur leur désir d’enfant. Par conséquent, l’autoconservation ovocytaire est interprétée comme un moyen de gérer l’incertitude conjugale. Contrairement à une idée répandue, les inquiétudes professionnelles ne sont que rarement invoquées comme raison.
Les enjeux de l’extension à des centres privés restent à préciser.
La proposition d’Emmanuel Macron d’autoriser l’autoconservation ovocytaire dans les centres privés nécessitera une modification législative. Selon le texte de loi de 2021, cette pratique est limitée aux hôpitaux publics ou aux centres privés à but non lucratif, contrairement à d’autres pays tels que l’Espagne. Cette restriction vise à éviter une possible commercialisation des gamètes, tant masculins que féminins.
Toutefois, cette proposition n’est pas une surprise pour les professionnels de la procréation médicalement assistée (PMA). « Depuis la révision de la loi de bioéthique, il y a eu beaucoup de discussions sur le rôle du secteur privé », note Marine Jeantet, de l’Agence de la biomédecine, soulignant que les traitements de la PMA dans le cadre de problèmes de fertilité sont assurés à 50% par le secteur privé.
Si la loi est à nouveau en discussion, la directrice générale de l’agence invite à réfléchir à la réglementation des centres privés, notamment en envisageant un système de suivi des gamètes, sans oublier les questions de coût. Elle propose notamment de limiter les honoraires supplémentaires pour garantir un accès équitable aux soins.
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