Selon des notes révélées par la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) et la Préfecture de police de Paris, les services d’espionnage chinois se distinguent par leur audace dans une industrie où les codes de conduite sont flous. Le constat est tiré de deux incidents impliquant des fonctionnaires chinois. Le premier est une tentative avortée de rapatriement forcé d’un dissident chinois le 22 mars ; le second une tentative d’intimidation envers une réfugiée politique ouïgoure le 8 mai.
Dans les deux cas, soulignent les autorités françaises, les espions chinois n’ont pas hésité à opérer ouvertement, sans tentative de clandestinité ou de fuite de la France. Ces comportements contrastent avec ceux des services de renseignement étrangers comme la Russie, la Turquie ou la Tchétchénie, qui ont par le passé essayé de réaliser des actions similaires tout en masquant leur identité.
Le rapport mentionne en particulier l’incident du 8 mai durant lequel Gulbahar Jalilova, une Kazakhe d’origine ouïgoure qui avait émigré en France après 18 mois de détention dans un camp de concentration chinois, a échappé à une tentative d’enlèvement à son domicile. Selon la Préfecture de police, une brigade est intervenue après avoir été prévenue de l’incident pour découvrir une dizaine d’hommes vêtus de noir sur les lieux, ainsi que le véhicule utilisé par les agresseurs, garé à proximité.
Il a été signalé que ces hommes ont utilisé l’interphone et traqué la femme politique contestataire. Lorsque les six individus ont été contrôlés, un « passeport de service » a été trouvé sur celui qui semblait être le leader, liant l’homme à l’ambassade chinoise. Selon Dilnur Reyhan, professeur à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales et fondatrice de l’Institut Ouïgour d’Europe, Mme Jalilova est traumatisée par cet incident, qui fait suite à une précédente tentative d’enlèvement en Turquie. « Elle avait été suivie par trois hommes en noir dans une voiture à Istanbul », dit Mme Reyhan.
« La Chine a une grande portée »
Lorsqu’elle avait été libérée en Chine, des officiels l’avaient avertie : « Si tu as l’audace de parler, peu importe où tu te trouves, la Chine a une grande portée et peut toujours te retrouver », raconte Mme Reyhan, qui envisage de déposer une plainte pour « harcèlement » en compagnie de la dissidente. Le 5 mai, lors d’une manifestation devant l’église de la Madeleine contre la visite de Xi Jinping en France le lendemain, des jeunes hommes étaient intervenus en brandissant des images de Ouïgours barrés et en criant « mensonges », avant d’être repoussés par la police. Mme Jalilova a refusé de faire des commentaires.
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