Lorsqu’on interroge Philippe Torreton sur les raisons de son choix de Fulvio pour notre apéro, deux personnes répondent – l’acteur et le propriétaire de ce charmant restaurant italien situé dans le quartier du Marais à Paris. « Nous nous sommes rencontrés en 1998 sur le plateau du film Ça commence aujourd’hui, réalisé par Bertrand Tavernier. Dans une séquence d’anniversaire, nous avons chanté La Traviata », rappelle Fulvio Trogu, le restaurateur. « En ce lieu, Bertrand m’a présenté le scénario », ajoute Philippe Torreton, tenant un verre de pinot grigio. Fulvio, un Sardaigne barbu avec une longue barbe blanche semblable à celle d’Hagrid dans Harry Potter, tient les rênes de ce lieu apprécié pour les pâtes depuis trente-cinq ans et a accueilli de nombreuses célébrités. Hôte chaleureux, il dispose sur notre table une délicieuse assiette de jambon cru et de parmesan avant de retourner à son comptoir. Il est presque 19 heures, les clients n’ont pas encore fait leur apparition, il a donc l’occasion d’écouter paisiblement son compatriote Philippe.
A l’âge de 58 ans, Philippe Torreton est devenu moins présent dans le monde du cinéma, mais est de plus en plus aperçu dans les rayons des librairies. La principale raison de notre désir de le rencontrer est son dernier ouvrage, Un cœur outragé (publié par Calmann-Lévy, 190 pages, 19,90 euros). Dans ce conte vivant et coloré, un acteur désenchanté choisit de se déguiser pour se donner une nouvelle opportunité et se venger, grâce à un stratagème impressionnant, de la brutalité de l’industrie cinématographique qui l’a rejeté. Un rapprochement avec la vie de l’auteur est tout sauf un hasard. « L’inspiration pour ce livre vient de plusieurs endroits. Un jour, je racontais à mon maquilleur, qui m’a metamorphosé en Cyrano pour le théâtre et en Michel Fourniret pour une série télévisée, mon désir de longue date de jouer sous un faux nom. Ensuite, mon exclusion de la cinématographie suite à ma prise de position sur Depardieu en 2012 (j’ai critiqué l’évasion fiscale de l’acteur), et ma découverte tardive de Romain Gary. Tous ces éléments se sont assemblés et ont engendré une révélation dans mon esprit, » explique-t-il.
Il admet que son écriture est à la fois une enquête sur le monde du cinéma et une introspection personnelle. Cependant, à l’opposé de son protagoniste fictif, Albert Stephan, il assure n’éprouver ni colère, ni amertume, ni sentiment de solitude. En dépit de sa « frustration » de ne pas avoir tenu de rôle majeur au cinéma depuis plus de dix ans (« le fait de passer du temps sur les tournages me manque »), et de se contenter de rôles secondaires occasionnels, il n’a « aucun règlement de compte » en suspens et se déclare « content » de sa vie. Le théâtre est une constante pour lui. Un exemplaire du Funambule de Jean Genet repose sur la table, un texte qu’il étudie avant de le jouer la saison prochaine à la MC2 de Grenoble et plus tard à Paris. Et puis, il y a l’écriture, qui lui est arrivée par hasard comme la rédaction d’un journal de bord (Comme si c’était moi, Seuil, 2004) et qui, en 2014, grâce à Mémé (éditions de l’Iconoclaste), lui a procuré le plaisir d’avoir un best-seller. Cet hommage à sa grand-mère maternelle a été vendu à plus de 200 000 exemplaires.
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