Peut-on se transformer après 126 années d’existence ? C’est le projet ambitieux de la Ligue des droits de l’homme (LDH). Entre le samedi 18 et le lundi 20 mai, l’organisation, qui a vu le jour durant l’affaire Dreyfus à la fin du 19ème siècle, a réuni son 92ème congrès à Bordeaux pour planifier son rôle influent en préparation pour les élections présidentielles de 2027. Nathalie Tehio, une avocate et à ce moment-là la seule prétendante à la présidence de la Ligue pour remplacer Patrick Baudouin, admet que leur objectif n’est pas simplement de bloquer, mais de réfléchir à comment promouvoir une nouvelle politique. « Nous souhaitons être une table où les différents acteurs syndicaux, associatifs et politiques se réunissent », affirme-t-elle.
La LDH se porte bien actuellement, ayant établi plusieurs observatoires locaux pour surveiller la conduite de la police, et connaît une croissance constante avec 12 000 membres revendiqués, 4 000 d’entre eux ayant adhéré au cours de la dernière année. La cause ? Précédemment, l’organisation a été fortement critiquée par Elisabeth Borne, alors chef du gouvernement, et par son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.
L’organisation luttait activement contre ce qu’elle considérait comme une application violente de la loi en lien avec le mouvement contre la modification des systèmes de retraites, ainsi que lors de protestations contre les mégabassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Selon l’organisation, lors de l’événement du 25 mars 2023, les autorités ont bloqué l’intervention du SAMU, une affirmation réfutée par M. Darmanin. À son avis, la subvention décernée par l’État à l’organisation valait la peine d’être examinée dans le contexte des actions menées. Quelques jours après, Mme Borne exprimait son incompréhension de certaines positions de l’organisation, faisant allusion aux ambiguïtés entourant le radicalisme islamiste.
« Nécessaire convergence »
Cette confrontation directe avec le gouvernement en temps de grandes tensions sociales a propulsé l’organisation sur le devant de la scène. Ainsi, il est opportun de capitaliser sur cette nouvelle réalité et de jouer un rôle central, autour d’un « ensemble de valeurs communes », parmi tous les acteurs du mouvement social, à une époque où la gauche politique ne cesse de se diviser et se condamner mutuellement.
La Ligue doit naviguer sur une ligne de démarcation complexe : adopter un rôle plus politique tout en restant une organisation indépendante des partis politiques. Il n’est pas question de se transformer en parti politique ou d’en soutenir un. Pas une tâche facile. Plusieurs syndicats (CGT, CFDT, Solidaires, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature) et associations (la Cimade, Attac, Oxfam) sont invités au congrès de Bordeaux, mais pas les partis. L’indépendance de la LDH est soigneusement protégée.
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