Le jeudi 16 mai, le Conseil constitutionnel a officiellement annoncé l’élection du général Mahamat Idriss Déby en tant que président du Tchad, rejetant ainsi l’appel de son premier ministre, Succès Masra. Bien que Masra insistait sur le fait qu’il avait remporté l’élection, il a concédé qu’il n’y avait « plus aucune possibilité de recours légal » et a encouragé ses partisans à continuer leur « combat politique » de façon pacifique.
Les élections présidentielles du 6 mai, dont le résultat était prédictible selon plusieurs observateurs, marquent la fin d’une période de transition militaire qui a commencé le 20 avril 2021. À cette date, l’armée a proclamé Mahamat Idriss Déby comme chef de l’État à la tête d’une junte de quinze généraux, en remplacement de son père. Celui-ci, Mahamat Idriss Déby Itno, était le dirigeant autoritaire de ce pays sahélien pauvre depuis trente ans avant d’être tué par des rebelles sur le front.
Selon le Conseil constitutionnel, Mahamat Idriss Déby, âgé de 40 ans, a remporté l’élection avec 61 % des votes. Son premier ministre, Succès Masra, également âgé de 40 ans et l’un des plus fervents détracteurs des Déby père et fils avant de prendre ses fonctions il y a quatre mois, est arrivé en deuxième position avec 18,54 % des votes.
Les Transformateurs, le parti de Succès Masra, avait décrié l’élection comme une « mascarade ». Une demande d’annulation déposée par Masra auprès du Conseil constitutionnel a été rejetée jeudi. Constatant qu’il n’y avait plus d’autres recours juridiques nationaux possibles, il l’a confirmé sur son compte Facebook et demandé à ses partisans de rester unis mais pacifiques. Il reste incertain s’il maintiendra son poste de premier ministre.
L’opposition avait précédemment condamné Masra comme un « traître » pour avoir signé un « accord de réconciliation » avec le général Déby, qui l’a nommé premier ministre le 1er janvier. Affirmant que l’élection était une tentative de « perpétuer la dynastie Déby », l’opposition a également soutenu que Masra s’était présenté à l’élection uniquement pour donner une illusion de démocratie. Cependant, en attirant des multitudes lors de sa campagne, l’économiste a surpris tous les observateurs, se montrant confiant dans sa capacité à gagner ou tout au moins à forcer un second tour avec Mahamat Idriss Déby.
Dans un pays marqué par des coups d’État, des régimes autoritaires et des rebellions depuis son indépendance de la France en 1960, les manifestations de l’opposition sont systématiquement réprimées. Si ses partisans décident de prendre la rue, cela pourrait potentiellement déboucher sur des violences meurtrières.
Dès son accession au pouvoir en 2021, Mahamat Idriss Déby a su gagner l’approbation de l’armée et de la scène internationale, en particulier de la France, un pays qui est généralement prompt à condamner les coups d’État sur le continent africain. Le Tchad, avec son contingent de mille soldats français, reste une pierre angulaire dans la lutte contre le djihadisme au Sahel, ceci après l’expulsion des forces françaises du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Il était communément anticipé que l’élection générale de Déby serait une simple formalité, suivant l’exemple de son père qui avait été élu et confirmé à six reprises suite à son coup d’État en 1990.
En accord avec les partis d’opposition, les organisations non-gouvernementales internationales, dont la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH), avaient exprimé leurs réserves avant la tenue des élections. Leurs préoccupations portaient notamment sur l’absence de crédibilité, de liberté, et de caractère démocratique de ces élections, qui se déroulaient dans un contexte malsain marqué par des violations des droits de l’homme. La junte, qui avait violemment réprimé toute opposition, parfois dans un bain de sang, avait mis de côté les rivaux les plus menaçants du général Déby.
Deux mois avant la tenue des élections, le cousin de Déby, Yaya Dillo, considéré comme son plus grand rival pour la présidentielle, avait été tué par des militaires lors de l’arraisonnement du siège de son parti. D’après son parti, il aurait été « abattu » d’une « balle à bout portant dans la tête ». Des organisations non-gouvernementales internationales demandent, jusqu’à présent en vain, une enquête indépendante sur sa mort.
Le jour du vote, au moins 76 militants du parti de Succès Masra avaient été arrêtés. À ce jour, ils sont toujours en détention, inculpés entre autres de « faux et usage de faux », selon le procureur de N’Djamena, qui les accuse de s’être fait passer pour des délégués de leur parti dans les bureaux de vote.