Les autorités françaises sont restées très réservées face aux attaques virulentes lancées contre la France le 16 mai par le premier ministre d’origine sénégalaise, Ousmane Sonko. Sonko, qui était un ancien dissident avant d’accéder au poste de premier ministre, a profité de sa présence à une conférence pour fustiger la France et Emmanuel Macron. La conférence, sur les relations entre l’Afrique et l’Europe, a été le premier évènement public auquel Sonko a participé depuis son accession au pouvoir six semaines auparavant, suite à la victoire de son parti, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), à l’élection présidentielle. Sonko a participé à cette conférence aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, le fondateur de la France insoumise (LFI), qui effectue une visite dans le pays depuis le 15 mai.
Dans ses remarques, Sonko a tenu à régler ses comptes avec Emmanuel Macron, déplorant l’approbation silencieuse de la répression contre son parti politique par de nombreux dirigeants français. Il a souligné que le silence des autorités françaises et de l’Union européenne face à la répression de son parti, qui a entraîné la mort de plus de 60 personnes en 2021 et 2023, était incompréhensible et injustifiable. Ce discours a suscité des applaudissements de la part de l’auditoire, tandis que certains étudiants accusaient la France et l’UE d’être complices, hypocrites et coupables de haute trahison.
Dans la capitale française, certaines paroles n’ont pas été ignorées, même si personne ne souhaitait les commenter publiquement, que ce soit à l’Elysée ou au Quai d’Orsay. Les autorités françaises ont fait tout leur possible pour ne pas être la cible d’une autre campagne anti-française lors de la suspension des dernières élections par Macky Sall, semblable à celle qui a accompagné les coups d’État militaires dans les pays du Sahel depuis 2020. Ces pays, à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger, se sont depuis rapprochés de la Russie.
La question des droits LGBT a été un grand souci.
Au cours des dernières semaines, elles ont plutôt exprimé en privé leur soulagement d’avoir évité un tel mouvement d’opinion. En particulier, elles ont établi un contact avec Ousmane Sonko avant même qu’il ne soit emprisonné en juin 2023, le privant ainsi de la possibilité de se présenter aux élections présidentielles. Elles ont gardé le contact avec ses alliés pendant toute la durée de la récente crise institutionnelle, exhortant le président Macky Sall à respecter le calendrier électoral.
Ousmane Sonko, président de Pastef, a déclaré son soutien indéfectible aux pays du Sahel qui ont subi des embargos, surtout de la part de la France. Bien qu’il ait précisé qu’il ne s’exprimait pas en tant que Premier ministre, il a souligné l’importance de maintenir et de renforcer les relations avec ces pays, suscitant ainsi une ovation. Il a insisté sur le fait que les problèmes internes d’un pays devraient être résolus en interne, et a refusé de se contenter d’examiner les symptômes sans s’attaquer aux causes réelles.
Il a également exprimé ses préoccupations concernant la présence de bases militaires étrangères en Sénégal et en Afrique, tout en conservant les différents accords de défense en place. Cette déclaration intervient au moment où la France réfléchit à la manière de réduire sa présence militaire sur le continent africain, tout en collaborant étroitement avec les quatre pays où elle dispose de bases (Sénégal, Gabon, Côte d’Ivoire et Tchad). Son soutien pour Jean-Luc Mélenchon a été exprimé la veille.
Ousmane Sonko, dans son discours, a continué à évoquer la question de la monnaie ainsi que de la fin du franc CFA. Il revendique le droit d’ouvrir le débat sans être stigmatisé. Il a indiqué que des « réformes ne pourront plus être différées ». Le discours du Premier Ministre sénégalais s’est conclu sur un autre désaccord, non seulement avec la France et l’Europe, mais aussi avec son hôte Jean-Luc Mélenchon. « Le problème relatif aux mœurs et à la communauté LGBTQ pourrait être la prochaine source de conflit si la situation continue de la sorte », a-t-il averti. Il dénonce une occident qui tente d’« imposer sa perspective sur ces questions ». « Nous demandons à l’occident plus de retenue, de respect et de tolérance », a-t-il déclaré. « Nous sommes en désaccord, j’étais le premier législateur à soutenir le mariage homosexuel. J’assume ma prise de position politique, cependant, je n’essaierai pas de vous l’infliger », a rétorqué Jean-Luc Mélenchon, face à des étudiants qui se levaient pour montrer leur désaccord.
Jean-Luc Mélenchon a déclaré à la fin de la conférence que Ousmane Sonko exhibe « un certain type de sincérité, une qualité brute qui est rare». Le fondateur de La France Insoumise (LFI) a prévu de conclure son voyage sur l’île de Gorée, près de Dakar, un lieu emblématique du commerce d’êtres humains et de l’esclavage. « Notre position était correcte. Jean Luc Mélenchon est accueilli avant Emmanuel Macron et Ousmane Sonko le voit comme l’autre “voix” de la France », a remarqué Arnaud Le Gall, un député du Val-d’Oise, membre de la délégation LFI visitant le Sénégal.