Faites attention, ne suggérez pas à Jean-Claude Fournier qu’il devrait ralentir et ranger sa plume et ses pinceaux. Même à l’approche de ses 81 ans, ce grand nom de l’art de la bande dessinée franco-belge ne montre aucun signe de vouloir arrêter. « Je suis en grande forme, j’ai minci de 25 kilos, j’ai encore trente années devant moi! », plaisante l’artiste breton, occupé à peaufiner une œuvre dans son atelier de Saint-Quay-Portrieux, une charmante petite maison au bord de la mer.
Fort de sa vitalité jamais démentie, l’homme a complété en trois ans une centaine de pages de bande dessinée, un exploit pour lui. À l’invitation de Daniel Maghen, un galeriste et éditeur parisien, le créateur des séries Bizu et Les Crannibales a illustré les moments marquants de sa vie, son enfance heureuse dans le garage de ses parents, ses aventures au lycée de Lamballe, ses exploits musicaux avec le bagad de Saint-Quay-Portrieux, et ses escapades la nuit dans les marais des monts d’Arrée, domicile mythique de l’Ankou, la Mort de la mythologie bretonne.
Toutefois, il contient aussi une émouvante dédicace à Franquin, qui joue un grand rôle dans cette biographie illustrée. La relation entre les deux auteurs de bande dessinée a débuté dans les années 1960. À l’époque, Jean-Claude Fournier, alors dans la vingtaine, cherchait sa voie entre l’art et le théâtre, lorsqu’il fut invité à rejoindre le célèbre artiste belge dans son atelier bruxellois.
Dans le cadre d’une dédicace à Paris, j’avais eu la chance de rencontrer Franquin. Je m’étais présenté avec quelques dessins, qu’il a gentiment proposé d’examiner. Malgré ma peur, cet homme bienveillant m’invita même à lui rendre visite en Belgique afin de me présenter à l’équipe de Spirou Magazine – un moment que je ne peux pas pratiquement oublier, évoque l’auteur avec un sourire joyeux et une barbe blanche.
Pendant un an et demi, le jeune Fournier a eu l’opportunité d’apprendre de Franquin, l’inventeur des personnages de BD bien-aimés Gaston Lagaffe et Marsupilami. « Tous les deux mois, je passais une semaine dans son studio. À ce moment-là, mon dessin était très traditionnel et Franquin passait des heures à me corriger. C’était un enseignant extraordinaire, incroyablement généreux, » raconte Fournier, les yeux s’humidifient rapidement en parlant de cet homme qu’il voit comme un « deuxième père ». L’album regorge d’histoires et anecdotes sur ce fameux auteur belge – son thé au jasmin préféré qu’il préparait avec « deux tiers de thé, un tiers de cognac », sa tradition d’utiliser une réglette pour écrire droites les bulles, sa passion pour les restaurants asiatiques…
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