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Décès de Juro Kara, icône contre-culturelle

Juro Kara, un pionnier du théâtre et un écrivain, nous a quitté à l’âge de 84 ans à Tokyo, le 4 mai. Sa fille, Minyon Otsuru, principal acteur de son spectacle, La Sirène de boue, a exprimé son profond respect pour lui en jouant pour lui lors de la première représentation de sa pièce, le jour suivant son décès. Juro Kara, connu sous le nom authentique de Yoshihide Otsuru, a laissé une marque dans l’évolution de l’art théâtral des années 1960, une ère riche en révolutions sociales, politiques et culturelles, connue pour sa créativité post-guerre.

La mobilisation sociale de cette période et notamment la lutte contre le renouvellement du traité de sécurité entre les États-Unis et le Japon ainsi que l’activisme pacifiste contre la guerre du Vietnam, ont créé une atmosphère de changement et d’effervescence culturelle. Cette explosion d’idées et d’événements a alimenté la contre-culture japonaise, connue sous le nom de andagurando ou angura (« underground »).

Cette contre-culture bénéficiait des éléments du surréalisme et du pop art étrangers, ainsi que de la fête traditionnelle locale. Elle mettait en scène les aspects grotesques, surnaturels, érotiques et violents. Les jeunes dramaturges, artistes, écrivains, et cinéastes de cette époque critiquaient de manière provocatrice les nouvelles formes d’aliénation sociale, révélant des aspects du Japon alors ignorés, rejetés ou même considérés comme honteux, en utilisant la rue comme espace pour leurs événements et performances.

Les icônes culturelles d’aujourd’hui s’identifient encore à l’angura, y compris le réalisateur et acteur Hideki Noda. Akaji Maro, le chorégraphe et danseur du butô (danse des ténèbres), qui a cofondé avec Juro Kara en 1964 la société de la Théâtre situationniste (Jokyo Gekijo), considère sa rencontre avec Kara comme l’événement le plus significatif de sa vie. Le butô, rejetant le mouvement fluide, favorisait la statique de corps nus dont le visage était contracté par l’horreur, cherchant à reconnecter avec les puissances primitives de l’imagination locale.

Après avoir étudié le théâtre à l’Université Meiji, Juro Kara a dansé dans des cabarets pour collecter des fonds et produire en 1963 la pièce « La Putain respectueuse » de Jean-Paul Sartre. En créant son propre groupe en 1967, la « Tente Rouge » (Akatento), il déployait sa scène dans les banlieues et dans l’enceinte du sanctuaire Hanazono à Shinjuku, un centre de contestation de l’époque. Ses spectacles attiraient des multitudes au moment où les rues s’embrasaient suite aux rudes confrontations entre les étudiants et la police antiémeute. Il reste 43,43% de cet article à lire, réservé uniquement aux personnes abonnées.

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