Voici six brèves critiques d’oeuvres notables durant la dix-neuvième semaine de l’année, incluant quatre romans, un essai de philosophie et un d’histoire.
Dans l’œuvre de Metin Arditi, « L’île de la Française », l’histoire se passe en 1950 sur l’île de Spyridon se trouvant au large de la Turquie où la pauvreté est omniprésente. Malgré cela, la vie sur l’île est célébrée par un photographe français à travers son apparat. Sa veuve, Odile, transmet ce même amour pour la photographie à la jeune Clio avant que celle-ci n’entre au couvent par nécessité. Car, « en somme, entrer au monastère ou photographier reviennent au même : délaisser son propre soi pour s’occuper des autres ». Lorsque la fille d’Odile disparaît mystérieusement, la mère retourne sur l’île pour résoudre l’énigme de cette disparition. Lorsque la vérité tragique est révélée, c’est Odile qui fait l’objet du courroux des habitants de l’île. On lui reproche d’avoir remplacé le besoin de cacher par le plaisir de découvrir, à travers son activité photographique. Cette révélation ou apocalypse, semble irréversible. Metin Arditi invoque la citation de Marcel Arland: « Le corps est l’un des noms de l’âme, et non pas le plus indécent ». « L’Ile de la Française » de Metin Arditi est disponible au prix de 20 euros pour l’édition physique, et 15 euros pour l’édition numérique.
Le livre « Témoigner de la Shoah » d’Olivia Lewi fait également partie de cette liste.
Le Mémorial de la Shoah à Paris est notamment reconnu pour son Centre de documentation juive contemporaine. Cet organe, créé discrètement en 1943, avait pour objectif principal de recueillir des données sur la persécution des juifs et le génocide. Il est désormais une source précieuse d’information, contenant les témoignages les plus intimes de la Shoah, notamment les récits des déportés. La chercheuse en linguistique, Olivia Lewi, s’est penchée sur ces témoignages, tentant de déceler une cohérence dans une collection d’abord marquée par son hétérogénéité temporelle – les textes s’étendant de la période de l’après-guerre à nos jours – et formelle – certains textes se voulaient privés, tandis que d’autres étaient destinés à être publiés avec une visée littéraire.
Cependant, aucun de ces récits ne peut être considéré comme un simple document brut ou transparent, comme le souligne le livre rigoureux d’Olivia Lewi. Celui-ci se base sur l’examen des discours et de leur conformité à diverses formes de témoignages, des standards scolaires aux traditions juives en matière de livres commémoratifs. Ces récits, à la frontière de l’individuel et du collectif, apparaissent ainsi comme un effort commun de « reterritorialisation » des survivants, à travers le Mémorial. Un effort qui sert à contrer « l’élimination du corps opérée par le camp ».
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