L’opposition à l’édification des « deux plus vastes mégabassines de l’Hexagone » a organisé, le 11 mai dernier, une importante « marche d’enseignement, festive et artistique », prenant son départ de Vertaizon, dans le département du Puy-de-Dôme. Cette manifestation visait à protéger l’eau comme un « patrimoine collectif ».
Le nombre de participants à cet événement était estimé entre 4 000, d’après les chiffres de la préfecture, et 6 500, selon les organisateurs. Le groupe de manifestants s’est mobilisé contre l’élaboration de deux réservoirs d’eau – l’un de 14 hectares et l’autre de 18 hectares – destinés à l’irrigation de 800 hectares dans la plaine de la Limagne, territoire sur lequel se situe Limagrain, le quatrième semencier à l’échelle internationale.
Pour assurer la sécurité de l’événement, les autorités ont mis en place un dispositif conséquent incluant 400 fonctionnaires et un hélicoptère. La marche, marquée par l’affrontement violent lors du rassemblement de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en mars 2023, a débuté un peu après 10 h 30. Un petit contingent de cyclistes a également démarré de la ville de Clermont-Ferrand pour se joindre aux marcheurs.
Les manifestants, beaucoup vêtus de bleu pour représenter symboliquement l’eau, en réponse à la demande des organisateurs tels qu’Extinction Rebellion et Les Soulèvements de la terre, se sont rassemblés dans un esprit bon enfant. Les manifestants ont également été escortés par deux tracteurs fournis par la Confédération paysanne. Anton Deums, membre du collectif Bassines Non Merci (BNM) 63 a déclaré depuis la place de la gare de Vertaizon que les travaux de construction devaient être arrêtés. Le collectif dénonce l’objectif de ces retenues de réserver plus de 2,3 millions de mètres cubes d’eau pour trente-six exploitations, la majorité liées à la compagnie Limagrain.
La prédominance de l’exploitation des ressources en eau est comparée à un « Robin des bois à l’envers ».
Marine Tondelier, la secrétaire nationale des écologistes, a partagé ses inquiétudes à l’AFP lors d’une manifestation, critiquant le favoritisme apparent envers les industries agroalimentaires et les riches dans la gestion de l’eau du pays. Elle a exprimé que même quand l’eau se fait rare, elle est réservée pour les plus riches tandis que les pauvres sont laissés à eux-mêmes.
Clémence Guetté, la députée de l’Insoumise, qui propose un projet de loi pour un moratoire sur les mégabassines, accuse elle aussi le gouvernement de soutenir l’agro-industrie au détriment des petits agriculteurs.
Limagrain défend au contraire que l’irrigation est vitale pour que les agriculteurs puissent cultiver suffisamment de produits de grande qualité, ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire lors des changements climatiques.
Ces plans de mégabassines, initiés par l’association syndicale libre des Turlurons qui comprend 36 agriculteurs parmi lesquels se trouve le président de Limagrain, n’ont pas encore été officiellement approuvés. Leurs détracteurs espèrent obtenir un moratoire. Les antibassines accusent Limagrain de vouloir « garantir sa production de maïs destinée à l’exportation ». Selon Limagrain, les retenues seraient remplies par des prélèvements de l’Allier du 1er novembre au 31 mars, conformément au flux autorisé de 45,7 mètres cubes par seconde.
Adèle Planchard, des Soulèvements de la Terre, a déclaré à l’AFP, que les manifestations initiales n’ont pas été comprises par la plupart des gens. Mais maintenant, la résistance contre la privatisation de l’eau s’est nettement intensifiée.
Selon un rapport de la Cour des comptes de Nouvelle-Aquitaine, les prélèvements d’eau pour l’irrigation en France ont plus que doublé entre 2010 et 2020, atteignant 3,42 milliards de mètres cubes en 2020. Ce rapport a été publié en juillet 2023.
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