Giovanna Marini, une artiste dotée d’une voix captivante et d’un talent de composition, a été une figure emblématique du mouvement folk dynamique des années 1960. En Italie, son pays natal, elle adorait l’allégresse autant qu’elle détestait le capitalisme ravageur de Silvio Berlusconi (1936-2023), la décrivant comme un pays de contradictions extraordinaires: « Les vedettes peuvent être guévaristes, et les bergers communistes peuvent chanter la Passion du Christ ». En tant que guitariste classique, féministe, dynamique et humoristique, Giovanna Marini a rendu son dernier souffle à Rome, le mercredi 8 mai, à l’âge de 87 ans.
A travers sa vie, elle s’est plongée dans l’exploration du canto radicato, ou « chant enraciné », embrassant des polyphonies complexes et des chants partisans des régions des Pouilles à la Lombardie. Au cœur de son œuvre, on retrouve des résistances anarchistes brandissant des drapeaux rouges, des berceuses et des veillées funèbres. Giovanna Marini a créé une œuvre prolifique. En tant que militante « rouge », femme de terrain et fondatrice de la Scuola popolare di musica di Testaccio à Rome, elle a su conjuguer popularité et savoir. Elle a collaboré avec le dramaturge Pippo Delbono pour retrouver les traces de E Zezi, un groupe de chanteurs ouvriers de l’usine automobile Alfasud à Naples, tout en enseignant l’ethnologie appliquée à Paris-VIII (Saint-Denis).
Giovanna Salviucci est née dans la nouvelle ville de Rome le 19 janvier 1937, au sein d’une famille aisée. Elle a ensuite épousé un physicien nucléaire et a pris le nom de Marini. Sa paternité remonte à un musicien classique qui, selon elle, était quelque peu « maudit » du fait du rejet de sa musique non consonante par sa famille – un fait qu’elle a partagé avec Le Monde en 1979. Au sein de cette jeunesse privilégiée, elle a imaginé une version de la Calabre, inspirée par son grand-père maternel qui n’avait que peu de respect pour le travail, préférant la philosophie. Sa formation musicale a été enrichie par des leçons de guitare classique avec Andres Segovia (1893-1987) et des études au conservatoire Santa Cecilia de Rome.
Chansons pour l’Italie laborieuse
En 1958, lors d’une soirée sophistiquée à Rome, elle a fait la connaissance de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), où elle a joué du Bach pour l’assistance. Il lui a fait comprendre que « les chansons ne sont pas trouvées dans les livres » et a chanté un air populaire du Frioul, suivie par Bella ciao. Elle s’est alors ouverte à l’univers des mondine, des femmes qui travaillaient dans les rizières, soutenue par la voix de Giovanna Daffini (1914-1969). Plus tard, elle est devenue une amie proche du réalisateur et a rejoint Il Nuovo Canzoniere italiano, créé à Bologne par l’ethnomusicologue Roberto Leydi (1928-2003). Ensemble, ils ont fondé le label I Dischi del sole, renommé Bella ciao! après le succès du spectacle du même nom présenté en 1964 au Festival des deux mondes à Spolète. Le groupe a ensuite travaillé avec l’écrivain Dario Fo (1926-2016), mais a été accusé d’insulte à l’égard des forces armées.
Il reste encore 60.37% de cet article à découvrir. La suite est disponible pour les abonnés.