Dans l’histoire australienne, le souvenir des « générations volées » reste très présent. Ces enfants aborigènes, enlevés de force à leurs familles entre 1910 et 1970 par les autorités, ont été placés dans des établissements ou des familles d’accueil blanches, dans le cadre d’une politique d’assimilation officielle. Ce fut une « tache » dans l’histoire de l’Australie, comme l’a souligné l’ancien premier ministre Kevin Rudd en 2008. Même un demi-siècle plus tard, les communautés autochtones subissent encore le retrait brutal de leurs enfants par les services de protection de l’enfance, pour différentes raisons. Ces services font l’objet de vives critiques, particulièrement en Nouvelle-Galles du Sud.
Le 2 mai, le public a été informé de nouveaux dysfonctionnements grâce à un rapport préliminaire publié par l’Advocate for Children and Young People, une autorité administrative indépendante. Ce rapport portait sur l’hébergement d’urgence dans des hôtels et autres structures temporaires locales. Plusieurs mineurs ont révélé avoir été négligés et avoir été victimes d’agressions sexuelles. Un mineur a exprimé qu’il se sentait « comme un chien dans un refuge, passant de cage en cage ». Quelques jours auparavant, un tribunal pour mineurs avait découvert le cas troublant d’un garçon aborigène de six ans, surnommé Ray par la justice. Cet enfant a été placé plus de 26 fois dans différents lieux en une année, privé de soins dentaires malgré une carie et des vers intestinaux ont été retrouvés dans son organisme.
Le 2 mai, la ministre des affaires familiales de l’Etat, Kate Washington, a déclaré que bien que des efforts aient été entrepris pour remédier au système, il reste encore beaucoup à faire. Les réformes sont particulièrement cruciales pour les communautés aborigènes, dont les enfants constituent 47% des jeunes sous protection en 2023 bien qu’ils ne soient que 4,5% de la population mineure de la Nouvelle-Galles du Sud. Ce chiffre, qui est en hausse constante depuis la dernière décennie, est une source d’inquiétude majeure pour ces communautés.
« Surveillance excessive qui renforce les stéréotypes », voilà comment BJ Newton, chercheuse à l’université de Nouvelle-Galles du Sud et chef du projet Bring Them Home, Keep Them Home sur le rapatriement des familles autochtones, décrit la situation lorsqu’elle a été interrogée par Le Monde. Elle fait observer que bien que la politique d’assimilation des générations volées soit terminée, les peuples autochtones font face à une surveillance accrue de la part de divers systèmes gouvernementaux. Ceux-ci incluent les systèmes de protection de l’enfance, les systèmes de santé et les systèmes éducatifs. Cette surveillance excessive perpétue des stéréotypes et applique des préjugés raciaux envers les familles aborigènes.
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