Il y a deux décennies, dix nations, principalement issues de l’Europe centrale et orientale, ont adhéré à l’Union européenne, marquant l’une des grandes réalisations de l’ère post-guerre. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a souligné l’effet transformateur du vaste élargissement de 2004 sur notre continent lors d’un discours prononcé le 29 avril. Il a effectivement renforcé l’Union en intégrant les pays de l’ancien bloc soviétique à la sphère de liberté, 35 ans après la chute du Mur de Berlin. Le Belge a évoqué l’Europe en parlant d’une idée, d’un rêve, d’un voyage et comme une source d’optimisme.
L’évolution économique remarquable des nouveaux membres ne peut être ignorée. Leur PIB par habitant a augmenté de 52 % à 80 % de la moyenne de l’UE entre 2004 et maintenant, atteignant 90 % pour la République tchèque et la Slovénie. Ces chiffres dépassent ou sont proches de ceux d’anciens membres comme la Grèce (67 %) ou le Portugal (79 %), ce qui est en soi une réussite. Cependant, certains détails doivent être précisés.
La richesse s’est essentiellement concentrée dans les grandes villes, laissant les régions périphériques à la traîne. Malgré les fonds structurels de Bruxelles, certaines régions, en particulier les plus pauvres et situées à l’est, n’ont pas bénéficié du boom économique. Des recherches menées par des économistes tels que Valentin Lang (université de Mannheim), Nils Redeker (Hertie School à Berlin) et Daniel Bischof (Zurich) démontrent que ces fonds ont surtout profité aux plus riches et aux plus éduqués, exacerbant ainsi les inégalités locales, au lieu d’aider les plus démunis.
Depuis deux décennies, certaines régions autrefois industriellement prospères, tant à l’est qu’à l’ouest, ont progressivement été piégées dans des cycles de sous-développement, privées de vitalité économique et maintenant accablées par un sentiment persistant de déclin. Andres Rodriguez-Pose, de l’Ecole d’économie de Londres, souligne que ce sentiment est la cause majeure de la croissance du vote populiste et eurosceptique.
Une transformation politique incomplète
En termes politiques, l’efficacité de l’expansion doit également être remise en question. Viktor Orban en Hongrie succombe à « l’illibéralisme », bafouant l’État de droit. En Pologne, le parti ultraconservateur PiS a dirigé le pays pendant les huit années jusqu’à 2023, et reste une force dominante. La Slovaquie est sous le leadership du pro-russe Robert Fico. En République Tchèque, l’ancien premier ministre populiste, Andrej Babis, aspire à revenir au pouvoir lors des élections de 2025.
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