Par l’immense fenêtre dont le rôle est de libérer l’odeur de ses cigarettes semi-consommées, on distingue la silhouette de Notre-Dame-de-Paris. Perchée dans son studio séduisant qu’elle habite depuis un an, niché au cœur du 5e arrondissement parisien à un jet de pierre de la Seine, Deborah Levy, écrivaine de Londres ayant adopté la vie parisienne, se présente comme une figure à la fois accueillante et solennelle, légèrement redoutable – qui en est bien consciente.
Sur la table devant elle, un vase éclate avec des tulipes rose vif et des renoncules d’orange. A sa droite se trouve son ordinateur, prêt à être utilisé. A sa gauche, diverses lectures sont étalées: une version française de poche de « Ainsi parlait Zarathoustra », par Nietzsche, parce que le design de sa couverture l’a attirée; » Freud’s Requiem », une exploration littéraire du père de la psychanalyse; la biographie de Colette par Julia Kristeva et le dépliant de l’exposition de Lacan au Centre Pompidou-Metz dont elle vient faire un tour récemment. A cela s’ajoute une sélection d’œufs qui trônent artistiquement dans un porte-œuf en fonte, un item déniché dans un marché aux puces. « Les œufs sont trop beaux pour rester dans la cuisine uniquement! », exprime-t-elle.
Ce paysage, à la fois quotidien et intellectuel, pourrait facilement être une scène de l’un de ses romans. Cependant, Deborah Levy révèle, « Je vous ai invité ici parce qu’il n’y a qu’une infime partie de ma vie personnelle dans cet appartement ». Avec la même assurance, elle refusera d’inclure sa vie familiale dans la conversation. Cette écrivaine a l’habitude de préserver son intimité, comme il convient à la célébrité qu’elle est. Tel que narré par le roman.
Depuis quatre ans, depuis la publication en français des deux premiers volumes de sa soi-disant « autobiographie en mouvement », Deborah Levy, agée de 64 ans, a capturé l’attention des lecteurs français. Elle se décrit sans fausse modestie dans ces œuvres, qui sont « existentielles, philosophiques, poétiques et personnelles », et qui reflètent la vie qu’elle a dû reconstruire après un divorce difficile à l’âge de 50 ans.
Ces histoires, basées sur sa propre vie, et qui détaillent ses épreuves géographiques, ses difficultés matérielles et ses pensées tant banales que métaphysiques, ont redéfini le genre de l’autofiction dans le monde anglo-saxon. Son roman « Hot Milk », sorti en anglais en 2016, sera publié en France le 10 mai, avec une première impression de 17 000 exemplaires, un nombre assez rare dans le domaine de la littérature étrangère.
La version film de ce livre, réalisée par la réalisatrice britannique Rebecca Lenkiewicz, sortira cette année. Elle mettra en vedette les actrices Emma Mackey (rendue célèbre par la série « Sex Education ») et Vicky Krieps (qui a travaillé avec Paul Thomas Anderson, Mia Hansen-Løve et bientôt Jim Jarmusch).
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