Pour les marins du Charles-de-Gaulle, le premier porte-avions français sous le commandement de l’OTAN, la mission « Akila » qui a débuté le 7 Mai après une escale en Crète, n’apporte pas de grands chamboulements à leur routine. Certes, il y a des nuances, comme le remplissage de PowerPoint ou certains aspects cartographiques qui diffèrent légèrement. De même, la maîtrise de certaines compétences, comme l’utilisation de codes de chiffrement pour les communications tactiques, peut être nécessaires. Cependant, le changement le plus marquant pour l’équipage, fort de 1 800 hommes, du plus grand vaisseau de la marine française depuis leur départ de Toulon le 26 avril, est l’ajout du drapeau bleu et blanc de l’Alliance à côté du drapeau français en haut du mât, au-dessus du centre de commandement.
Leur retour à la mer est unique, après plusieurs mois d’arrêt pour des raisons techniques, et devrait se terminer le 10 mai. « Cependant, toutes nos procédures ont déjà été normalisées selon l’OTAN et sont toutes en anglais », précise un lieutenant de marine, responsable de la défense du porte-avions, des réserves de missiles Aster à la lutte contre les drones. La France retient le plein contrôle de ce poste stratégique en cas d’attaque, même avec très peu de préavis, insiste cet officier, souhaitant parer à toute critique concernant une perte de « souveraineté » évoquée récemment par l’opposition.
Pour le commandant du Groupe Aéronaval (GAN), le contre-amiral Jacques Mallard, l’entrée du Charles-de-Gaulle sous le drapeau de l’OTAN est une véritable révolution. Gérant le porte-avions et ses navires d’escorte habituels – deux frégates, un navire d’approvisionnement et un sous-marin – il doit désormais participer chaque matin à une session de coordination avec ses contreparties italienne, portugaise et grecque, collaborant à la mission sous le patronage d’un vice-amiral américain. Ce dernier est à la fois le maître de la sixième flotte américaine et l’un des chefs d’état-major de l’OTAN – le soi-disant « StrikforNato » – résidant au Portugal. Au vice-amiral, Mallard rend compte et délibère non seulement sur des objectifs français, mais sur des objectifs communs.
Cette transition reflète l’aspiration de la France, depuis le début du conflit ukrainien en février 2022, à reprendre du terrain au sein de l’OTAN après des années de tension, alors que l’armée française se concentrait principalement sur l’Afrique et la lutte contre le terrorisme. Le désintérêt manifeste, signalé par la Cour des comptes en 2023, a laissé un certain nombre de postes vacants. Pour le vice-amiral Jean-Emmanuel Roux de Luze, commandant adjoint de l’état-major de l’OTAN pour la région méditerranéenne basé à Naples, qui a également visité le Charles-de-Gaulle, le manque de menace a conduit à la complaisance pendant longtemps.
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