Le livre intitulé « Le Bal des illusions. Ce que la France croit, ce que le monde voit » (Grasset, 240 pages, 22 euros) a été minutieusement analysé par les journalistes Richard Werly et François d’Alançon. Ils se sont entretenus avec près de cent cinquante personnalités influentes, dont Gérard Araud, l’ancien ambassadeur français. Il a fait une remarque pertinente avec élégance, en soulignant l’importance d’un courtier honnête, une métaphore destinée à la France. Loin d’être une insulte, ce commentaire rend hommage au rôle prépondérant de la France durant la COP21 en 2015. En faisant preuve de son soft power, la France a réussi à rassembler tous les pays autour d’une seule table pour parler du sujet le plus critique pour les quatre prochaines décennies. Il a rappelé les mots prononcés par l’ancien président Jacques Chirac en 2002 sur l’état de la planète : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »
Est-ce que la France est vraiment satisfaite de son rôle de médiateur? Actuellement, elle est une puissance modérée qui peine à accepter ce statut. Selon les experts, il est nécessaire que la France revisite son discours pour l’adapter au contexte global actuel. Vu de l’étranger, les mots dominants pour décrire la France seraient « prétentieuse » et « confuse ». Il y a de nombreux témoignages qui renforcent cette vision, comme celui de l’ancien ambassadeur indien en Allemagne, Kishan S. Rana, qui déclare qu’il se sent souvent sermonné lorsqu’il parle avec un responsable français. Jovan Kurbalija, un spécialiste serbe de l’IA qui a participé à l’élaboration du rapport de l’ONU sur la gouvernance numérique mondiale, confirme ce point de vue. Selon lui, en France, il est rare de rencontrer quelqu’un qui pense différemment.
La francophonie, pour sa part, est en déclin. Depuis 1981, l’économie française a dégringolé à la 26e place en termes de richesse par habitant, soit 40 % de moins que les États-Unis et 15 % de moins que l’Allemagne, comme le rappellent les experts. En plus, la dette publique a grimpé de 47 % à 112 % du PIB en trois décennies. Malgré sa possession d’armes nucléaires et d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, la situation de la France est très similaire à celle du Royaume-Uni. Au cours des quarante dernières années, le monde s’est agrandi tandis que la France a, en quelque sorte, rétréci. Elle s’est désindustrialisée et a raté la révolution numérique.
Dans une déviation de sa compatriote voisine britannique, la France ne profite pas de l’impact de sa langue, la francophonie, qui a flétri sous la direction de ses dirigeants, selon l’avis substantiel des auteurs. En Afrique, le territoire francophone est d’ailleurs vu comme un point vulnérable par la Chine, entre autres. L’Europe demeure le seul horizon, bien que l’Union des 27 se soit distanciée du projet initial franco-allemand. À l’issue de leur investigation, les auteurs estiment que la situation française peut être rattrapée, à condition que le pays sache clarifier son message, sélectionner ses objectifs – plutôt que de s’étendre en toutes directions – et, enfin, de se positionner dans la compétition globale, en capitalisant sur son pouvoir de relation. Un plan ambitieux pour un intermédiaire intègre.
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