La recrudescence de la guerre dans la province nord-kivutienne, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), a atteint un nouveau sommet fin 2021, avec un bombardement qui a suscité une multitude de réactions internationales. Des instances importantes comme l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE), la mission de paix des Nations Unies (Monusco), et de nombreuses chancelleries occidentales ont vivement critiqué les attaques du 3 mai sur un camp de réfugiés à Goma.
Le conflit, dont l’épicentre se situe dans le sud-ouest de la capitale provinciale, met aux prises le Mouvement du 23-Mars (M23), un groupe armé soutenu par l’armée rwandaise, et les forces pro-gouvernementales du Congo constituées de soldats et de miliciens. Dans cet affrontement, cinq roquettes ont explose, causant la mort de 18 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, selon la division provinciale de la santé, quatre jours suite à la tragédie. Avec 32 blessés dont 27 graves, le bilan du 7 mai risque de s’aggraver.
La France a déclaré que cette attaque constitue une transgression flagrante du droit international humanitaire. Cette opinion est soutenue par la Belgique, qui qualifie la situation de « nouvelle escalade ». L’UA, pour sa part, soutient que ces actes sont en contradiction avec l’appel à un cessez-le-feu émis par plusieurs ministres lors d’un sommet en Angola au mois de mars. Seuls les États-Unis et la RDC ont directement mis en cause le Rwanda dans leurs déclarations. En réaction à une publication sur le réseau social X de Matthew Miller, du département d’Etat américain, la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, a réfuté ces allégations, soulignant que l’armée du Rwanda, les Forces rwandaises de défense (RDF), n’attaquerait jamais un camp de réfugiés.
Les efforts de médiation de Washington ont commencé à la fin de l’année 2023. Une pause de quinze jours, arrangée par les Américains, a été instituée lors des élections congolaises en décembre. Néanmoins, malgré les demandes des autorités congolaises, l’armée rwandaise n’a jamais cessé de soutenir les rebelles du M23, selon les images récemment examinées par Le Monde. De plus, un informateur proche de Kinshasa affirme que c’est durant ce cessez-le-feu que les missiles rwandais ont franchi la frontière. Ces armes, capables d’abattre avions, hélicoptères ou drones, ont été identifiés par l’ONU.
Bien que les autorités de Kigali n’aient jamais admis officiellement leur présence en RDC, elles ne nient pas leur soutien au M23. Le Président rwandais, Paul Kagame, a souvent souligné qu’il ferait tout ce qui est nécessaire pour protéger son pays. Sa gouvernance a maintes fois critiqué l’administration de Kinshasa, en particulier suite aux bombardements du 3 mai.
Dans un communiqué, le gouvernement rwandais affirme que les FARDC, l’armée congolaise, ainsi que les forces armées burundaises ont tiré à bout portant sur des manifestants dans un camp de personnes déplacées en RDC. Des déplacés, tenant des pierres et sous le choc, se sont rendus spontanément au siège du gouvernement de Goma, le 8e Cepac. D’après le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), au moins une femme a été tuée « par un tir perdu lors de la dispersion des manifestants par les forces de l’ordre ».
Il est signalé par différentes sources que le commandement militaire porte une part de responsabilité. Suite à la grande offensive du M23 et de l’armée rwandaise en février, et au recul des forces pro-gouvernementales vers Goma, au moins deux postes d’artillerie congolaise ont été établis près des camps de personnes déplacées. Une situation qui a de graves conséquences pour les civils, se trouvant « coincés entre les feux croisés » du M23 et de l’armée congolaise, comme l’indique l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) sur X.
Le matin du 3 mai, plusieurs témoignages confirment avoir entendu les canons congolais tirant vers les collines sous contrôle du M23, au moins une demi-heure avant les bombardements qui ont affecté les civils. Ces informations suggèrent que ces tirs auraient pu être effectués en riposte à ceux provenant des FARDC.
Le Rwanda, les États-Unis et la Monusco demandent une enquête. De son côté, le gouvernement de la RDC assure que les responsables seront traduits devant la justice internationale. Cependant, jusqu’à présent, aucun organisme indépendant n’a publiquement pris en main cette affaire.