« RAPPORT DE RIO DE JANEIRO
« Entendez-vous ce son ? Comme une pluie qui goutte ? » Mario Moscatelli, un biologiste de presque soixante ans, porte un gilet à plusieurs poches et indique une petite mare entourée des rangées de racines tordues de mangroves. « Ce sont les crabes qui purifient l’eau avec leurs bronches ! » Quand ils entendent les pieds des visiteurs s’approcher, des groupes de petits coquillages rouges surgissent soudainement de l’eau avant de se replier dans des trous creusés dans la boue.
Selon le chercheur, cette scène est un « miracle ». Lorsqu’il a entrepris de restaurer ces 130 hectares de mangrove situés à Jardim Gramacho, un district situé au nord-ouest de Rio de Janeiro en 1997, personne ne pensait que les arbres pousseraient. Pendant plus de trois décennies (de 1978 à 2012), ce lieu bordant la baie de Guanabara était le plus grand dépotoir à ciel ouvert d’Amérique latine, avec environ 9 000 tonnes de déchets provenant de toute la ville déversés chaque jour.
La montagne de déchets atteignant 60 mètres de haut, asphyxiait la flore locale et polluait la baie de Guanabara. Le 3 juin 2012, dix jours avant le sommet des Nations Unies sur le développement durable à Rio de Janeiro, le maire de la ville, Eduardo Paes – qui est revenu au pouvoir en 2021 – a enfin décidé de mettre fin à ce « crime environnemental » et ferma définitivement la décharge. »
La nature a repris vie, selon M. Moscatelli. Il observe avec joie que les arbres de la mangrove, qui s’élèvent jusqu’à 9 mètres de hauteur, croissent rapidement. Le feuillage dense et les racines rebelles des palétuviers sont devenues un habitat pour de nombreuses espèces. Des traces de hérons sur la boue et la présence de crabes sont visibles, tandis que de petits oiseaux bruns, appelés « maçarico », font une pause sur la rive du marais lors de la marée basse avant de continuer leur vol vers d’autres régions.
Cependant, le combat pour la restauration de la région est loin d’être terminé. Preuve en est l’émanation d’un nuage de fumée grise à quelques centaines de mètres seulement de l’ancien dépôt d’ordures. M. Moscatelli exprime son inquiétude, suggérant que ce sont des dépôts brûlant des déchets. Suite à la fermeture du « lixao » (« la grande poubelle ») de Jardim Gramacho, de nombreux sites d’élimination des déchets illégaux ont vu le jour dans le bidonville environnant.
Environ 20 000 catadores, ou « ramasseurs de déchets », qui dépendaient précédemment de la collecte et du tri des déchets de la décharge pour vivre, sont tombés dans une extrême pauvreté. En 2012, la municipalité leur avait promis une indemnisation de 14 000 reais (soit à peu près 2 560 euros) ainsi que l’opportunité de suivre des formations pour se reconvertir professionnellement. Cependant, seuls ceux qui avaient un emploi officiel, soit 1 700 individus, ont bénéficié de ces avantages. Sans autres options, beaucoup ont repris illégalement leurs activités, maintenant sous l’autorité des gangs de trafiquants de drogue qui dirigent la favela, ou « bidonville ». Dans ces rues étroites au plancher couvert de poussière, l’odeur des déchets et du plastique brûlant est insupportable.
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