Mariam N’diaye a un souvenir vif de son premier périple; elle n’avait que treize ans et s’apprêtait à laisser derrière elle le Sénégal pour rejoindre la Mauritanie. Entassée avec trois de ses frères et sœurs à l’arrière d’un taxi délabré, elle a entrepris un voyage en voiture d’environ vingt heures pour retourner à la patrie de ses ancêtres.
La musique omniprésente dans la cabine émanait du MP3 de sa sœur, produisant la mélodie du rappeur La Fouine. Pendant que les décors passaient devant ses yeux d’adolescente, Mariam écoutait attentivement les explications du chauffeur. «Ce chemin mène à la Guinée, et celui-là, au Mali.» Ses grands yeux noirs s’écarquillent: «On peut voyager sans forcément prendre l’avion? » De ce long voyage, elle retient deux choses : l’air persistant de La Fouine et son attrait pour les road-trips.
Quinze ans plus tard, dans un espace ouvert et coloré situé dans le 13ème arrondissement de Paris, Mariam N’diaye n’a rien perdu de cette passion pour le voyage. Elle a même réussi à en faire sa profession. Elle est la cofondatrice de Broke and Abroad (« sans un sou et à l’étranger »), un site de voyages destiné aux jeunes étudiants et travailleurs, qui offre des astuces de voyage adaptées à leurs budgets et leurs aspirations.
Avec 300 000 followers sur les réseaux, son impact n’est pas négligeable.
La start-up créée en 2019 propose un service complet pour l’organisation de voyages, incluant la réservation de vols et d’hôtels à des tarifs très compétitifs. La firme a jusqu’à présent organisé presque 200 000 voyages et compte 300 000 followers sur les réseaux sociaux. Pour accéder à ces prix bas, les clients doivent payer un abonnement mensuel de 4,99 euros. « Nous sommes l’agence de voyages pour ceux qui disposent de revenus modestes », indique la fondatrice, Mariam, plaisantant.
Malgré le fait que 41 % des français prévoient de n’effectuer que quatre vols dans leur vie, le modèle de « Broke and Abroad », qui présente des billets d’avion à prix réduit, semble aller à l’encontre des tendances actuelles. Selon Béatrice Jarrige, économiste des transports et membre de The Shift Project, « Il n’y a pas suffisamment d’offres écologiques sur le site. Cela demeure une demande des voyageurs, y compris ceux qui ont un budget limité. » D’après un rapport de 2022 du groupe de réflexion écologique, 90% des voyages à longue distance sont effectués par des moyens de transport polluants, comme l’avion et la voiture, qui émettent 41 millions de tonnes de CO² par an.
La fondatrice défend néanmoins son modèle, assurant qu’elle promeut autant l’utilisation du train que de l’avion pour les déplacements en Europe. Elle explique que de demander à ses clients dont le temps et l’argent sont limités, de faire un trajet en train, bus puis bateau pour se rendre au Sénégal n’est pas logique. L’article continue pour les abonnés.