La « République littéraire » a perdu son « roi de la lecture » pour la deuxième fois. En 2001, Bernard Pivot, l’historien Pierre Nora, mettait fin à sa présence télévisée, un moment que Nora avait décrit comme « un deuil national ». Après presque trois décennies à interroger des auteurs, des artistes, des politiciens, des sportifs et des chefs étoilés, Pivot, qui se désignait lui-même comme un « gratteur de tête », clôturait une période de temps. Une époque où les « bouillons culturels » pouvaient être savourés pendant les heures de bureau, où l’acte de partager la connaissance ne s’assimilait pas à la promotion commerciale et où les audiences télévisées n’étaient pas soumises à un diktat arbitraire.
Néanmoins, à l’âge de 65 ans, le « mec du Dico d’or » était loin d’avoir finalisé son testament littéraire. Pour Pivot, un dégustateur érudit de vins, un grand gourmet et un fan de football, une deuxième phase faite de lectures et d’écritures commençait. Ou bien, on pourrait dire, un second battement de jeunesse pour cet homme aux multiples passions. Outre la recollection de ses souvenirs et l’émanation de ses passions, qu’il allait répertorier dans une vingtaine de livres et sur la scène théâtrale en 2004, l’ancien dirigeant du magazine Lire devenait membre du jury du Prix Goncourt, avant de le diriger de 2014 à 2019.
Bernard Pivot, connu pour sa soif insatiable de curiosité, a rejoint Twitter en 2012. Il a été séduit par la limitation de 140 caractères, idéale pour sa passion des jeux de mots et des aphorismes. Ses « tweets » ont charmé des centaines de milliers de followers de tous âges, y compris ceux qui ne connaissaient pas ses rôles d’animateur d' »Apostrophes » (1975-1990) et « Bouillon de culture » (1991-2001). Le silence règne maintenant sur le compte du « Tweeto de la langue française ». Bernard Pivot a renoncé à la vie le 6 mai à Neuilly-sur-Seine, à l’âge de 89 ans, révèle Cécile Pivot, sa fille, à l’Agence France-Presse (AFP).
Étant un élève « médiocre », Pivot a cependant toujours nourri une passion profonde pour les mots tout au long de sa vie. Il a presque vécu dans Le Petit Larousse et Les Fables de la Fontaine, quelques-uns des rares livres qu’il avait. Sa sévère éducation chrétienne a laissé des marques sur lui, le maintenant loin de tout engagement. Né le 5 mai 1935 à Lyon, le jour des élections municipales, son grand-père y a vu un signe, mais Bernard a toujours préféré rappeler que le même jour, l’Olympique de Marseille s’est imposé contre le Stade rennais en Coupe de France.
En 1940, le père de Bernard Pivot est emprisonné et la famille décide de s’établir à Quincié-en-Beaujolais dans le Rhône, qui deviendra son havre de paix. Élevé par sa mère, ses tantes et sa sœur ainée, Pivot apprend à comprendre la nature, les saisons et surtout la culture de la vigne. Lors de la Libération, ses parents reprennent leur épicerie à Lyon où il aide quand il ne réside pas en internat à Saint-Louis. Plus tard, en étudiant au lycée Ampère, il ne se démarque pas particulièrement, se décrivant comme un étudiant médiocre. Cependant, il se fait remarquer en français, en histoire et en sport, qui devient son sanctuaire. Il reste une partie de cet article à lire, qui est réservée aux abonnés.