Monsieur le Président, cette lettre n’aborde pas la morale ou les grands idéaux, mais elle se concentre sur la sécurité et la souveraineté. Je ne vous invite pas à l’idéalisme, mais plutôt à la pragmatisme, et non pas le type de réalisme que les cyniques assimilent à la résignation ou à l’apathie. Le pragmatisme dont je parle comprend le poids des idéologies et anticipe de profondes divisions.
Le 6 mai, vous accueillez le président chinois, Xi Jinping, pour sa première visite en Europe depuis la crise sanitaire. Vous vous préparez à lui offrir un accueil royal et prévoyez même de l’emmener [le 7 mai] dans un endroit qui a marqué votre enfance dans les Pyrénées, un espace privé qui symbolise l’amitié particulière que vous espérez établir avec lui. Comme d’habitude, vous défendrez votre obéissance à cette situation par le besoin d’être pragmatique.
Pour autant, votre servilité n’a rien de pragmatique. La première règle du pragmatisme est d’établir sa politique sur des bases réelles. La réalité actuelle en Europe, en 2024, est la guerre que Vladimir Poutine mène en Ukraine. Cette guerre, Monsieur le Président, est soutenue financièrement et diplomatiquement par le président chinois, Xi Jinping. Sans l’aide de la Chine, la Russie n’aurait pas pu résister aux sanctions de l’Occident et maintenir un tel niveau de guerre.
Nous sommes extrêmement dépendants de cela.
L’alliance entre la Russie et la Chine n’est pas temporaire. Leur « amitié sans limites », émanant de deux des plus puissantes dictatures mondiales, a été mise en évidence suite à l’invasion de l’Ukraine. Ce n’est pas une manœuvre stratégique, mais un événement décisif dans le paysage géopolitique, alimenté par une antagonisme envers nous plus profond que ce que vous pouvez imaginer.
Le seul objectif de cette alliance est de remettre en question l’ordre mondial et de nuire à nos démocraties, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. En tant que président de la commission spéciale sur les ingérences étrangères du Parlement européen, j’ai décortiqué les tentatives de déstabilisation de nos systèmes politiques et économiques par la Russie et la Chine. J’ai examiné la collaboration entre ces deux dictatures dans les assauts contre nos nations, notre espace d’information et nos entreprises.
Cela nous amène à la seconde réalité fondamentale de l’Europe en 2024 sur laquelle nous devons baser notre politique intérieure et extérieure. Nous sommes désormais un continent de consommateurs : nous consommons de la sécurité produite aux États-Unis, de l’énergie produite dans le Golfe et des biens produits en Chine, en particulier dans les domaines stratégiques de la transition écologique.
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