Jake Johnston, un chercheur du Center for Economic and Policy Research basé à Washington, a fait de nombreuses visites en Haïti depuis le tremblement de terre dévastateur de 2010. Il a écrit un livre intitulé « Aid State. Elite Panic, Disaster Capitalism, and the Battle to Control Haiti » (non traduit en français), qui critique les échecs et les pièges de l’aide internationale pour ce pays caribéen.
Dans son livre, Johnston avance que l’aide internationale à Haïti a été un échec massif. Pourquoi ce jugement si dur ? Parce qu’il constate que l’aide mise en place en Haïti depuis plusieurs décennies a largement ignoré l’Etat du pays, les organismes locaux et citoyens, créant ainsi une sorte d’Etat parallèle. Cette aide n’a pas produit les résultats attendus pour le peuple haïtien, et a plutôt eu des conséquences politiques à long terme, en créant une distance entre la population et les autorités publiques.
D’après Johnston, un autre facteur ayant contribué à cette situation est le soutien constant apporté par des acteurs internationaux à des régimes non démocratiques en Haïti. Cela a progressivement érodé le concept de démocratie souveraine. Il en résulte une diminution de la confiance dans les institutions et une croyance répandue que les décisions finales sont toujours prises par des acteurs externes.
Le chercheur américain affirme également que les résultats de l’élection présidentielle de 2010-2011 ont été manipulés à cause d’une intervention directe des États-Unis. Il n’est pas clair pourquoi les États-Unis ont choisi d’intervenir de cette manière.
L’élection a eu lieu après le tragique tremblement de terre de janvier 2010 qui a entrainé la mort de plus de 200 000 personnes et le déplacement d’un million d’individus. Les circonstances environnantes étaient hors du commun, rendant l’organisation du vote exceptionnellement difficile. Néanmoins, les donateurs internationaux ont poussé pour que le vote se tienne, quoi qu’il en coûte. Ils considéraient qu’il était crucial d’avoir une figure de pouvoir avec qui ils pourraient collaborer pour superviser les milliards de dollars de dons alloués à la reconstruction.
Comme prévu par nombre d’observateurs, le vote s’est plongé dans l’anarchie : le jour de la première ronde, des milliers de votants n’ont pas retrouvé leur nom sur les registres électoraux, déclenchant des manifestations. Cela dit, la communauté internationale a persisté. Les Etats-Unis ont utilisé la menace de stopper la reconstruction pour pousser les autorités haïtiennes à inclure Michel Martelly dans la deuxième ronde du vote, alors même qu’il arrivait en troisième position. Il a finalement été élu le 20 mars 2011. L’ampleur de l’influence qu’ont exercée les diplomates en coulisse sur le processus démocratique à Haïti était tout simplement choquante.
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