À la différence des trois versions antérieures, le plan Ecophyto 2030 actuel, promettant une « diminution de 50 % des pesticides » dans l’agriculture, semble voué à réaliser facilement ses buts. Cependant, cela s’accompagne d’une modification de l’indicateur qui ne suivra plus la réduction effective de l’utilisation des produits phytosanitaires, en dehors des suppressions des composés les plus problématiques établies par les règles européennes.
Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, a confirmé l’arrêt de l’indicateur d’utilisation des pesticides, le NODU (« nombre de doses unités »), lors de sa présentation du plan sur France Info et dans Le Parisien le vendredi 3 mai. Il est désormais remplacé par un nouvel indicateur, sujet à controverse, basé sur les tonnes de produits employés, ajusté selon leur statut réglementaire.
L’idée de conserver le NODU avec cette nouvelle mesure n’avait pas été jusqu’alors mise de côté : elle est maintenant rejetée, en accord avec les exigences de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Le nouveau plan, qui sera officiellement dévoilé le 6 mai mais dont Le Monde a pu examiner la dernière version, ambitionne d’ici 2030 une réduction de 50 % de ce nouveau marqueur, nommé HRI-1 (« Harmonised Risk Indicator 1 ») en comparaison avec la période 2011-2013. Cependant, à l’inverse du NODU, le HRI-1 n’est pas un indicateur d’usage.
Un subterfuge
Dans une prépublication dévoilée au public le 3 mai, une série de chercheurs et ingénieurs provenant d’institutions universitaires et de groupes de recherche étatiques – une grande partie étant membres du conseil scientifique du plan Ecophyto – ont démontré que le HRI-1 est en fait une illusion. Ils soulignent dans leur écrit que le nouvel indice ne sert pas à définir précisément l’emploi de produits phytosanitaires ni à représenter correctement les changements dans leur usage. De plus, ils ajoutent que l’indice ne parvient pas à caractériser les risques découlant de ces usages.
Selon Corentin Barbu, un chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement qui est parmi les principaux experts français sur les indices liés à l’utilisation de pesticides, l’adoption du HRI comme indicateur de référence signifie l’arrêt des actions visant à réduire l’utilisation des pesticides.
Pour démontrer le défaut de ce nouvel indice, les auteurs ont calculé le HRI-1 pour l’année 2021. Ils ont découvert qu’il a déjà chuté de 32,9 % par rapport à la période de référence de 2011-2013. On peut donc dire que l’objectif de réduction de 50 % de l’indice est presque atteint, malgré le fait que le volume total de pesticides vendus en France a continué d’augmenter et que leur usage selon l’index du NODU est resté presque inchangé durant cette même période.
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