« Livre. Nous avons ici un livre incroyablement unique sur le fond et la forme. Sylvie Benzoni-Gavage, une mathématicienne directrice de l’Institut Henri-Poincaré (IHP), raconte avec enthousiasme l’histoire de l’une de ses découvertes mathématiques intrigantes, qui est étrangement différente de ses spécialités habituelles, rendant la réalisation de façade. Ses investigations sont devenues une obsession persistante pendant de nombreuses semaines, et avec une pression pour partager rapidement son engouement avec le public. En effet, son enthousiasme était centré sur l’emblème de la Maison Poincaré, un nouveau centre de popularisation des mathématiques situé dans le campus de l’IHP, à Paris. Nommé Rulpidon par l’artiste Ulysse Lacoste, cette sculpture de 300 kg est visible dans le jardin depuis le 30 septembre 2023.
Sa forme curieuse, combinant des aspects ronds et carrés et portant un nom qui, selon son créateur, « revient et tombe dans la bouche », a d’abord diverti puis suscité une interrogation profonde chez Sylvie Benzoni-Gavage.
Concernant son amusement, elle est intéressée par le mouvement de l’objet – ayant même des modèles réduits de celui-ci qu’elle peut faire rouler sur sa table de cuisine enveloppée de farine – qui se rapproche des courbes qu’elle connaît bien dans des systèmes dynamiques, tels que les pendules, qui sont sa spécialité. Elle remarque également que nombre de personnes se trompent lorsqu’elles tentent de compter les trous de l’objet. Alors qu’on peut facilement apercevoir quatre trous, un mathématicien topologue, autorisé à déformer les objets sans les couper ou les coller, ne compterait que trois trous, tout comme dans un bretzel.
Pliage, découpage et couture. »
Alors l’experte, bravant les défis de la topologie et sortant de sa routine familière, se détermine à embellir cette surface en y appliquant diverses teintes. C’est ici où les choses se complexifient, même pour le lecteur. Elle cherche anecdotalement une illustration qui permet de teinter le Rulpidon avec neuf teintes uniques, chacune utilisée une fois, et séparant des régions contiguës (chaque couleur touchant les huit autres). C’est à ce moment que nous pénétrons dans sa tête. Tentation naïve, recherches bibliographiques, questions dans un forum, tâtonnement, simplification du défi, retour à la problématique initiale…
En fin de compte, un triomphe avec découverte et… optimisation de la solution. L’auteure se présente moins transparente que son prédécesseur à la tête de l’IHP, Cédric Villani, en Théorème Vivant (Grasset, 2012), et son résultat original est moins profond. Cependant, le lecteur reconnaîtra des similarités dans les deux œuvres. Au long de la lecture, il a l’opportunité d’apprendre plusieurs concepts de topologie et des méthodes de raisonnement traditionnelles. Il se rendra compte que les mathématiciens font également usage du papier pour plier et découper et que la couture peut être utile. Un carnet de couleurs opportun l’aidera à profiter pleinement de ce voyage. Il pourra également l’approfondir grâce à une vidéo éducative, co-réalisée avec Mickaël Launay, contributeur habituel du Monde, https://www.youtube.com/watch?v=SlKRwZUc62E.
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