Plus de quatre mois après la réélection du Président Félix Tshisekedi et un mois après l’annonce d’un premier ministre, la République Démocratique du Congo (RDC) attend toujours la formation du nouveau gouvernement, alors qu’une crise de sécurité sévère secoue l’Est du pays.
Bien que les délais soient habituels dans ce grand pays aux intrications régionales complexes, on pourrait s’attendre à plus de rapidité compte tenu de la « majorité évidente » de Félix Tshisekedi et des « urgences » à traiter, comme l’a signalé Christian Moleka, le coordinateur de la Dynamique des politologues (Dypol) de la RDC, dans une interview pour l’Agence France-Presse (AFP).
« La composition du gouvernement est un moment de partage du pouvoir, sans doute les hommes politiques naviguent pour éviter les frustrations », a déclaré Brandon, un fonctionnaire de 33 ans rencontré alors qu’il se rendait au travail à Kinshasa un jeudi matin. « Malheureusement, cela se fait sans tenir compte des besoins de la population », estime le jeune homme.
Félix Tshisekedi, au poste depuis janvier 2019, a été réélu dès le premier tour des élections présidentielles le 20 décembre 2023, avec plus de 73% des suffrages. De plus, les groupes de son « Union Sacrée » ont réussi à remporter environ 90% des sièges de député national lors des élections législatives qui se sont déroulées le même jour.
Officiellement investi pour un second mandat de cinq ans le 20 janvier, il a reçu un mois plus tard, le 21 février, la démission de son premier ministre, Sama Lukonde, en fonction depuis 2021, et a demandé à l’équipe sortante de gérer les affaires courantes.
Le 1er avril, Judith Suminwa Tuluka, ministre du plan, a été nommée première ministre, marquant une première pour les femmes en RDC. Avec l’approbation de toutes les parties du pays, elle a commencé ses consultations.
En parallèle, également au Parlement, des discussions ont eu lieu et se sont prolongées, y compris au sein de l’Union sacrée. Le groupe a dû organiser des primaires pour sélectionner son candidat à la présidence de l’Assemblée nationale parmi trois individus. L’Union sacrée, malgré sa majorité écrasante, est décrite par le politologue Christian Moleka comme « un nuage sans un centre clair ». Le parti de Félix Tshisekedi, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), détient bien une centaine de sièges, mais, comme l’explique Moleka, « le reste est divisé en groupes plus petits et il faut négocier la part pour chacun d’eux. Congo compte plus de 900 partis politiques ».
Le 23 avril, Vital Kamerhe, ministre de l’économie sous le gouvernement de Lukonde, a été sélectionné comme candidat majoritaire pour le « perchoir », un rôle qu’il a déjà assumé de 2006 à 2009 sous la présidence de Joseph Kabila. Son élection est maintenant un simple formalité. Cependant, cette élection et la constitution du bureau définitif de l’Assemblée nationale prennent du temps, tandis que le long processus électoral déclenché à la fin de l’année dernière se poursuit, avec l’élection indirecte des sénateurs et des gouverneurs de provinces.
« Mode de pilotage automatique » est maintenant activé.
En théorie, il est possible de constituer un gouvernement avant d’installer le bureau de l’Assemblée ; toutefois, la Première ministre devra patienter afin de soumettre son programme aux membres du parlement et obtenir leur approbation. Pendant cette période de transition, le gouvernement précédent est limité dans ses actions. « Essentiellement, le pays fonctionne en mode automatique, » souligne Christian Moleka.
Au cours de son deuxième mandat, le président Tshisekedi a défini six objectifs primordiaux pour son programme : la création d’emplois, une hausse du pouvoir d’achat, la diversification d’une économie fortement influencée par l’industrie minière, l’amélioration de l’accès aux services essentiels, la modernisation du pays et, point d’une importance capitale, la sécurité.
L’Est de la RDC fait face depuis trente ans à de multiples actes violents imputables à divers groupes armés. La situation s’est aggravée avec le retour, fin 2021, du Mouvement du 23 mars (M23). Soutenus par le Rwanda voisin, ces rebelle contrôlent une grande part du territoire dans la province du Nord-Kivu et continuent à gagner du terrain. Cette semaine, ils ont conquis la ville minière de Rubaya, où sont extraits différents minerais stratégiques comme le coltan.
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