Lors d’un repas officiel à Kiev en février 2023, les ministres de la culture français et ukrainien ont discuté de l’avenir controversé de la maison-musée Boulgakov. La fermeture de cette institution était soutenue par certains artistes ukrainiens présents, une opinion largement partagée dans la société ukrainienne. Mikhaïl Boulgakov, l’auteur renommé du Maître et Marguerite, est originaire de cette maison. Bien qu’ayant grandi et étudié dans cette ville, Boulgakov a montré une opposition sévère à l’indépendance de l’Ukraine.
L’invasion russe a suscité une réflexion sur le classement de mes livres. Cela m’a amené à reconsidérer quelles figures littéraires devraient être classées comme « ukrainiennes ». Pourtant, ce n’est pas une tâche facile : la langue, la localisation géographique ou même l’idéologie de l’auteur ne fournissent pas une base suffisante pour une telle classification. En revoyant la vie de ces figures littéraires, il est clair que la différenciation entre Ukrainiens et Russes serait non seulement compliquée mais aussi fortement politique. Les récits personnels de ces auteurs donnent un aperçu des empires multilingues, des conflits et des frontières changeantes, ainsi que du processus complexe de la formation nationale et de sa répression.
Il est nécessaire de commencer quelque part, et mon point de départ a été de monter le regard sur la tranche des livres. Les ouvrages en langue ukrainienne auraient du être un point de départ évident. Cependant, honteusement, j’ai réalisé que je n’en avais qu’un seul en possession, une traduction des poèmes de Taras Chevtchenko (1814-1861), le créateur de la langue littéraire ukrainienne moderne. Il existe tellement d’autres œuvres que je n’ai pas encore explorées. L’Ukraine libre a vu naître des douzaines de magnifiques écrivains, comme Iouri Androukhovytch (né en 1960), qui avait été connu et publié par mon ancien éditeur catalan, Jaume Vallcorba ; Serhiy Jadan (né en 1974), que j’ai eu l’occasion d’entendre ses poèmes à Kharkiv en mai 2022, pendant que la ville était bombardée par les Russes ; ou encore Victoria Amelina (1986-2023), assassinée lors d’une frappe ciblée à Kramatorsk, quelques jours après notre participation conjointe à un festival littéraire à Kiev.
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