Le site de l’Hôtel San Régis, niché au centre du prestigieux « triangle d’or » parisien et à proximité du Grand Palais, le décrit comme une « adresse intime ». Cependant, durant les Jeux Olympiques qui auront lieu du 26 juillet au 11 août, le tarif d’une chambre dans ce luxueux établissement 5 étoiles du 8e arrondissement pourrait atteindre quelques milliers d’euros par nuit. Situé dans la « zone rouge », une zone interdite aux véhicules à moteur, l’hôtel fait face à l’arrêt temporaire de la station de métro Champs-Elysées-Clemenceau, comme l’indique sa directrice, Sarah Georges. Entre mai et septembre, l’hôtel offrira à ses quelque cinquante employés, ainsi qu’à ses clients, l’utilisation de quatre vélos électriques Gitane, fournis par la société Tim Mobilité, experte en matière de vélo entreprise. C’est une première pour cet établissement haut de gamme. « Le vélo sera le moyen de transport parfait pour se déplacer dans le quartier », commente la directrice.
Cette initiative, bien qu’humble, témoigne de la façon dont les acteurs économiques s’adaptent aux contraintes olympiques. Les Jeux Olympiques se dérouleront « dans la ville », mettant en valeur les joyaux de l’architecture parisienne tels que le Louvre, la Tour Eiffel et le Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Cela bousculera de façon inédite les habitudes des Parisiens et encouragera l’utilisation du vélo.
Dans les semaines à venir, une transformation radicale attend la ville principale. La plupart des résidents et des utilisateurs réguliers s’absenteront, cédant la place à des millions de spectateurs. En s’appuyant sur les précédentes éditions de Rio en 2016 et de Londres en 2012, l’office de tourisme de Paris a dressé un profil typique des touristes olympiques : 60% sont des hommes, majoritairement âgés de moins de 40 ans, ayant un niveau de vie relativement élevé et faisant régulièrement de l’exercice. Pendant les jeux de Londres en 2012, les visiteurs avaient une nette préférence pour les dîners au restaurant, les sorties et le shopping, par rapport aux musées. A Paris, les terrasses resteront ouvertes jusqu’à minuit, et chaque district, à l’exception du 7ème, comportera au moins une zone de fans . En bref, attendez-vous à beaucoup de bruit.
Cela correspond parfaitement à la vision idéalisée de la « ville du quart d’heure », prônée par les urbanistes favorables à un aménagement urbain centré sur l’humain. Toutefois, une ville en mode festif disrupte les habitudes de déplacement. Les exemples emblématiques en sont les changements observés chaque année à Avignon lors du festival de théâtre en juillet, à Lille lors de la grande braderie en septembre, ou à Strasbourg pendant le marché de Noël, qui commence fin novembre.
« Une magnifique célébration avec des vélos partout »
A Paris, dans le métro, le temps d’attente pour monter dans un wagon peut atteindre jusqu’à vingt minutes. La patience des passagers sera mise à l’épreuve, d’autant plus si le temps est chaud. En ce qui concerne les voitures et scooters, qui ne représentent plus que 5% du trafic selon une étude publiée par l’Institut Paris Région le 4 avril, leur mobilité sera encore plus limitée qu’auparavant. Il ne restera donc que le vélo, qui représente déjà plus de 11% des déplacements dans Paris et 10% dans la petite couronne.
Anne Monmarché, présidente de l’association Paris en Selle, est déjà pleine d’énergie pour une fête brillante débordante de cyclistes. Elle prévoit d’être spectatrice lors de plusieurs événements. Louis Belenfant, directeur du Collectif vélo Ile-de-France (CVIF), ajoute qu’un tiers des détenteurs de billets pour ces événements sont des Franciliens. Ces compatriotes franciliens, familiers avec la ville et ses fonctionnalités, ne sont pas étrangers à l’utilisation occasionnelle du vélo.
Il est clair pour les organisateurs que le vélo, un moyen de transport individuel, non intrusif, et plus rapide que la voiture comme l’a souligné Joe Dassin, pourrait être un outil promotionnel. Louis Belenfant a relevé en avril que la seule fois où le nouveau ministre des Transports, nommé en février, a mentionné le vélo, c’était lors d’une conversation sur les Jeux Olympiques. Alors que son enthousiasme pour le sujet n’a pas semblé aussi fort que celui de Clément Beaune ou Elisabeth Borne, Patrice Vergriete a suggéré, le 14 mars, sur TF1, que ce pourrait être le moment approprié pour remettre son vélo en selle.
Des milliers de cyclistes se dirigeant vers les sites des Jeux offriront une image frappante des « Jeux durables » vantés par la candidature. Cela pourrait certainement influencer d’autres personnes. Françoise Rossignol, vice-présidente de la communauté urbaine d’Arras, suggère que cela pourrait être un modèle pour de grands événements comme le Main Square Music Festival. Pour ce faire, des locations de courte durée et des parkings massifs pourraient être mis en place.
Au cours de la pandémie de Covid-19, les « coronapistes » ont été mises en place. En préparation pour les Jeux Olympiques de Paris, 415 kilomètres d' »olympistes » ont été créés, dont 120 ont été spécialement adaptés pour l’événement. La plupart de ces pistes seront conservées par la suite. Les départements qui ont bénéficié le plus de ces aménagements sont la Seine-Saint-Denis et Paris. C’est une occasion unique pour ces régions, comme l’a souligné Jacques Baudrier, adjoint communiste à la Mairie de Paris, d’Amsterdam Hidalgo (Parti socialiste). Cependant, dans les Hauts-de-Seine, les améliorations se limitent principalement aux sites olympiques, La Défense et Colombes, comme l’a noté Louis Belenfant. La sécurisation tant attendue de la D920, une importante voie traversant le sud du département, est toujours en attente.
Le recours aux vélos pour les Olympiades n’a pas toujours été une priorité. En 2021, les organisateurs avaient pour objectif d’utiliser uniquement les transports en commun. Cependant, l’idée que certains spectateurs pourraient se déplacer à vélo a donné lieu à un défi. Le mouvement pro-vélo francilien a su tirer parti de cette situation. Louis Belenfant a évoqué l’engagement de personnalités publiques qui ont reconnu les potentialités du cyclisme dans la région parisienne, comme Anne Hidalgo, Elisabeth Borne (ancienne première ministre), Michel Cadot (délégué interministériel aux Jeux) et Valérie Pécresse (présidente Les Républicains de la région Ile-de-France).
En fin de compte, Hugo Tanné, l’interlocuteur de Paris en selle du 10e arrondissement, a dû faire imposer son point de vue. L’utilisation du terme « olympiste » dans une conversation WhatsApp un jour d’hiver entre 2022 et 2023 a provoqué une réaction chez le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, qui surveille attentivement leur réputation. Le comité n’a également pas apprécié un rassemblement orchestré par Paris en selle devant le Stade de France en mai 2022. Les manifestants avaient agité des drapeaux où les cercles olympiques remplacent les roues d’un vélo pour dénoncer l’absence de pistes cyclables pour les Jeux. « C’était une situation tendue », se rappelle Anne Monmarché.
Cependant, les pistes cyclables sont maintenant en place. La garantie de la disponibilité d’un vélo pour chaque participant est désormais nécessaire, et idéalement, il ne devrait pas être en mauvais état. Tous les efforts possibles ont été mobilisés. Le service de vélos en libre-service Vélib’ a augmenté sa flotte de 3000 vélos supplémentaires et a établi de grandes stations temporaires pour cela. « En tenant compte du taux annuel de perte, pour atteindre 3000 vélos, nous avons dû en commander 10000 », a admis Stéphane Volant, président de Smovengo, en 2023.
Les entreprises Lime, Dott et Tier, reconnues pour leurs vélos électriques de couleurs variées, ont été autorisées par la municipalité de Paris à augmenter leurs flottes. Par ailleurs, le service Véligo de la région Île-de-France présente une «offre spéciale», proposant la location de 2 000 véhicules électriques pour une période d’un à deux mois, plutôt que la durée habituelle de six mois. Cependant, Louis Belenfant exprime un regret : l’absence d’une application unifiée pour toutes ces plateformes permettant de réserver un vélo. Cependant, le stationnement gardé à proximité des lieux est conçu pour que chacun puisse y laisser, le cas échéant, sa batterie électrique ou son casque.
En dépit de l’enthousiasme initial des utilisateurs, la question se pose de savoir si ceux-ci pourront continuer à se déplacer dans Paris. L’expérience a montré que lorsque certaines routes sont fermées, le trafic motorisé reporté sur d’autres voies peut rendre les trajets à vélo plus dangereux. Marion Soulet, membre du conseil d’administration de Paris en Selle, rappelle une soirée de septembre 2023, pendant la Coupe du Monde de rugby, où la Place de la Concorde était fermée aux voitures. À 200 mètres de là, la Place de la Madeleine était asphyxiée par des embouteillages sans fin. Les serveurs se voyaient contraints de gérer la circulation entre les coups de klaxon.
L’été 2024 pourrait être sujet à des confusions de ce genre. Deux onglets figurent sur le site Anticiperlesjeux.gouv.fr, conçu par les autorités : l’un dédié aux « transports publics » et l’autre à la « route ». Cependant, une consultation effectuée le 30 avril a révélé que ce dernier ne fait que signaler les zones interdites aux véhicules à moteur. Curieusement, les voies réservées aux cyclistes n’apparaissent pas, comme si la bicyclette n’avait pas encore complètement trouvé sa place au sein de la conception des jeux par les organisateurs. Vous pouvez consulter tous les épisodes de la série ici.
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