Il aurait été improbable de voir une marque de luxe comme Chanel organiser un défilé à Marseille il y a une décennie. Mais le 2 mai, ils ont organisé leur spectacle «croisière» sur le toit de la Cité radieuse, démontrant que le paysage mode a évolué dans cette ville. «Il y a déjà plusieurs années que Marseille est considérée comme un sol fertile d’idées créatives», affirme Mélanie Gomis, la créatrice de la marque de vêtements Gomis, qui offre aussi une petite gamme de vêtements sur mesure, faites entièrement à Marseille avec des étoffes italiennes. «En 2019, j’étais à la recherche d’un lieu pour m’installer et j’ai choisi Marseille, car j’ai senti qu’il y avait un changement similaire à ce qui s’est passé à Berlin dans les années 1990.»
Selon Alix de Moussac, fondatrice de la marque de sous-vêtements «La Nouvelle», qui propose des pièces à la fois confortables et sensuelles, l’enthousiasme créatif à Marseille a augmenté depuis que la ville a été nommée capitale européenne de la culture en 2013. Le designer Jacquemus a également aidé à transformer l’image de Marseille en y présentant sa collection «Les santons de Provence» en 2017. Il a même publié un livre intitulé« Marseille je t’aime» pour renforcer son amour pour la ville. Encore en 2018, Christelle Kocher, de la maison parisienne Koché, a organisé un défilé sur le ferry Danielle-Casanova, qui navigue entre Marseille, la Corse, l’Algérie et la Tunisie.
Au coeur de ces événements éphémères, de nombreuses initiatives liées à la mode durable ont émergé. Parmi elles, le concept store Jogging, ouvert en 2015, offre une gamme d’articles de mode et de produits de beauté. Selon Olivier Amsellem, l’un des cofondateurs, le projet a été réalisé avec des ressources limitées. Ils ont choisi de s’installer dans une boucherie à peine rénovée, cherchant à valoriser le charme historique du lieu.
« Marseille est devenue une alternative à Paris, Londres et New York dans le monde de la mode. La ville a toujours été un centre de mode », affirme Maryline Bellieud-Vigouroux, une entrepreneuse locale. Depuis 1986, elle s’est engagée à promouvoir l’éducation dans le domaine de la mode et à soutenir les nouvelles marques. Elle rappelle qu’Marseille a une longue tradition dans le domaine du textile, puisque la ville est devenue un port franc grâce à Colbert en 1669. Marseille a accueilli de nombreuses vagues d’immigration, entre autres les brodeurs arméniens dans les années 1920, et les tailleurs italiens qui fuyaient le fascisme.
Bellieud-Vigouroux est la fondatrice de la Maison Mode Méditerranée, un fonds dédié à accompagner et soutenir financièrement les professionnels de la mode depuis 1988. Elle a également contribué à la création du Musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode au château Borély, inauguré en 2013, et a initié le festival de mode OpenMyMed, qui met en avant de nouveaux talents locaux. De plus, plusieurs écoles de mode et de création ont été créées à Marseille, dont le Studio Lausié, qui propose une formation à la mode écoresponsable depuis 2021. Mélanie Gomis, enseignante au studio, se réjouit que la ville attire désormais les jeunes étudiants.
Dans une perspective de mode plus humble et moins luxueuse, Marseille se positionne comme une alternative à Paris, Londres et New York, proposant des créations séduisantes en petites séries, résume Maryline Bellieud-Vigouroux. Alix de Moussac explique qu’à Marseille, la douceur de vie a permis de concrétiser leur projet avec des ressources limitées. Le coût du loyer y est plus abordable qu’à Paris et le réseau plus restreint, permettant ainsi des connexions plus rapides. Olivier Amsellem reconnaît que le commerce numérique n’est pas facile et que son revenu n’est pas très élevé, mais cela lui convient. Avec Jogging, il propose un regard sur un lieu, une façon de vivre, il raconte l’histoire de Marseille.
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