La genèse de Paul Auster en tant qu’écrivain se déroule lorsqu’il a 8 ans. Étant un grand fan de base-ball, la figure lumineuse de Willie Mays, un des « Giants » de New York, est un personnage qu’il admire énormément. Une fois, après un match, il a la chance de rencontrer son héros et lui demande un autographe. « Bien sûr, petit garçon », lui répond Mays, « As-tu un crayon? » Malheureusement, ni Paul ni son père ni personne d’autre n’a de quoi écrire sur eux. « Désolé, petit garçon », pas de crayon, donc pas d’autographe. Auster est dévasté, comme il le raconte dans son livre « Pourquoi écrire? » (publié par Actes Sud, comme toutes ses œuvres traduites en France). « Depuis cette soirée, j’ai toujours porté un crayon avec moi, où que je sois. Et je le transmets volontiers à mes enfants : c’est ainsi que je suis devenu écrivain ».
Le célèbre auteur américain, connu pour ses œuvres tels que Moon Palace (1990), Léviathan (1993), Seul dans le noir (2009), et Baumgartner (2024), s’est éteint dans sa demeure à Brooklyn, New York, mardi soir le 30 avril, selon le New York Times. Avec une carrière s’étalant sur près de sept décennies, il a laissé une quarantaine de livres traduits dans plus de 40 langues. Il était âgé de 77 ans.
Non seulement un écrivain, mais aussi poète, traducteur, critique, essayiste et scénariste, il a pesé de son encre sur des milliers de pages. Il était capable de représenter avec une grande acuité l’existence de ses personnages ainsi que sa propre vie, leur amplitude, leurs contradictions, leurs courbes essentiellement reliées à des coïncidences apparentes.
En mars 2023, son épouse, la romancière Siri Hustvedt, avait annoncé que Paul Auster souffrait d’un cancer depuis plusieurs mois et était traité au Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York. Elle avait déclaré : « Je vis dans un lieu que j’ai commencé à appeler Cancerland. C’est une aventure de proximité et de séparation que de vivre avec une personne atteinte de cancer et qui est traitée par chimiothérapie et immunothérapie. »
Paul Auster était l’un des auteurs les plus brillants de sa génération, avec une affinité particulière pour la France. Il était un véritable maître dans l’art de la narration, puisant dans ses souvenirs et son histoire personnelle, ce qu’il nommait sa « zone intérieure », pour enrichir ses romans, ses écrits autobiographiques ou même politiques avec une intelligence et une sensibilité énormes. C’est avec tristesse que nous traversons cette « frontière invisible entre la vie et la mort ».
En 1982, Paul Auster a fait son entrée dans la sphère littéraire en racontant une rupture personnelle, la mort soudaine de son père, qui avait eu lieu trois ans auparavant. Dans le premier paragraphe de son premier livre, L’Invention de la solitude, il écrivait que la mort est quelque chose que l’on peut résigner après une longue maladie. Cependant, il ajoutait que quand un homme décède sans raison apparente, simplement parce qu’il est humain, cela nous rapproche tellement de la frontière imperceptible entre la vie et la mort, qu’on ne sait plus vraiment où on se trouve. Il postulait que la vie devient alors la mort et qu’elle semble toujours en avoir fait partie. Vous devez être abonné pour lire la suite de cet article, qui représente 70,36% du contenu total.
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